Au coeur deAmazonequelqu’un communautés autochtones ils perçoivent le forêt comme quelque chose de beaucoup plus complexe qu’une simple collection de plantes et d’animaux. Pour eux, la forêt est un organisme vivant, doté de pensée, de volonté et de capacité à communiquer. Cette approche est profondément ancrée dans conceptions animistes et perspectivistes et il est apparu au fil du temps, de manière quelque peu stéréotypée, également grâce à la culture pop (pensez par exemple au film de science-fiction Avatars). Mais que signifie réellement « les forêts pensent » ? Et comment ce concept peut-il nous faire repenser notre rapport à la nature ?
Animisme : la forêt comme sujet vivant
LE’animisme c’est un vrai vision du monde dans lequel tous les éléments de la nature, y compris les animaux, les plantes et même les phénomènes naturels, sont considérés comme ayant une âme, une capacité d’agir dans le monde et la capacité de communiquer. Plus qu’une religion codifiée, l’animisme en est une style de vie et façon de penser qui imprègne les pratiques quotidiennes des communautés qui l’adoptent. Dans de nombreuses cultures indigènes d’Amazonie, l’animisme affecte tous les aspects de la vie, de la chasse aux interactions sociales, influençant la perception du monde naturel comme un ensemble de relations entre les êtres vivants.
En vertu de ces croyances, les communautés animistes, à travers des rituels et des pratiques spirituelles, tentent de maintenir une équilibre avec le monde naturelse reconnaissant comme faisant partie d’un système complexe et interconnecté. Cette approche favorise également une vision profondément écologique et respectueux de l’environnement.
Les communautés amazoniennes Kayapo, Ticuna et Guarani partagent la foi animiste. Les Ticuna, en particulier, considèrent les arbres comme des symboles de sagesse ancestrale et accomplissent des rituels pour établir un dialogue avec ceux considérés comme sacrés. Avant de cueillir des fruits ou d’abattre des arbres, il est de coutume de demander la permission aux esprits pour éviter des conséquences négatives.
Perspectivisme : différentes subjectivités singulières
Contrairement à l’animisme, le perspectivisme c’est une théorie créée par l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, qui fournit une clé unique pour comprendre la cosmologie des populations indigènes d’Amazonie.
Selon cette théorie, chaque être vivant – humains, animaux, plantes et esprits – possède un propre « perspective » sur le monde et se perçoit comme le centre de son expérience. Chaque créature, humaine ou non humaine, fait l’expérience de la réalité à partir d’elle-même. vision subjective, se considérant au centre de sa réalité spécifique.
Par exemple, du point de vue de jaguarle monde n’est pas peuplé de proies et de prédateurs, mais d’autres êtres qu’il perçoit à travers sa perspective de chasseur. Le jaguar se considère comme le protagoniste de son expérience, il n’y a pas de hiérarchie entre les espèces.

Si chaque espèce se perçoit comme le « centre » de son propre univers, le perspectivisme invite à reconnaître que, contrairement à la vision occidentale qui place l’être humain au centre, dans les cosmologies indigènes chaque créature est le protagoniste de sa propre réalité, avec une vision valable et unique du monde. Cette vision perspectiviste ouvre des relations plus fluides et dynamiques entre les espèces, où chaque créature fait l’expérience du monde à travers une subjectivité unique.
Un exemple clair de cette vision est donné par les rituels chamaniques pratiqués par les Kichwa, qui tentent de accéder à « d’autres perspectives ». À travers l’utilisation de substances rituelles telles que l’ayahuascales participants obtiennent des visions qui leur permettent de comprendre le point de vue des esprits animaux ou végétaux. Ces expériences révèlent la complexité des relations entre l’homme et la nature, soulignant l’importance de coexister dans un écosystème interconnecté.
Repenser la relation entre nature et culture
La comparaison entre la vision animiste et le perspectivisme nous invite à reconsidérer la relation entre les êtres humains et non-humains. Les deux visions suggèrent un monde dans lequel les êtres humains ne sont pas au centre, mais seulement une partie d’un réseau interconnecté.
Le titre de cet article est inspiré d’Eduardo Kohn, qui, dans son livre Comment pensent les forêtset remet en question la séparation traditionnelle entre nature et culture. Dans la lignée de Kohn, Philippe Descola soutient que la distinction entre nature et société humaine, qui prévaut en Occident, n’est pas universelle, mais constitue une construction culturelle relative.
Descola nous invite également à considérer l’humain comme partie intégrante de l’écosystème, au même titre que les jaguars et les ours, en posant des questions provocatrices telles que : Quand et pourquoi l’homme s’est-il séparé de la nature ? Pourquoi croyons-nous à la supériorité de l’espèce humaine sur les autres ? Ces questions nous invitent à repenser radicalement notre vision du monde, remettant en question les axiomes de la modernité.
La nécessité de repenser est soutenue par des militants politiques contemporains tels que Nemonte Nenquimoleader d’une communauté indigène équatorienne. Nemonte, dans sa lutte contre la déforestation et l’exploitation pétrolière, va au-delà de la simple bataille environnementale, représentant également la défense d’un système de pensée qui reconnaît le caractère sacré de la nature.
L’idée que la forêt peut « penser » nécessite une révision de nos approches scientifiques et culturelles. La vision occidentale, souvent basée sur rationalité et sur quantificationaccepte difficilement une nature animée et capable d’agir sur le monde. Cependant, l’intégration des connaissances traditionnelles à la science moderne est cruciale pour relever les défis écologiques contemporains.

Sources :
Descola P. (2005) « Au-delà de la nature et de la culture »
Kohn E. (2021) « Comment pensent les forêts. Pour une anthropologie au-delà de l’humain »
Tassan M. (2013) « Natures hybrides. Ethnographie d’une aire protégée en Amazonie brésilienne »
Nenquimo N. (2024) « Nous ne serons pas sauvés »