Comment la hausse des taux d’intérêt aide les compagnies pétrolières

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Non seulement la COP28 est organisée par un pétrolier qui nie la science du climat. Les hausses de taux d’intérêt, décidées par les banques centrales du monde entier pour faire face à une inflation galopante, vont aussi éloigner encore davantage les objectifs de Paris. En effet, l’augmentation rapide du coût de l’argent rend les investissements verts plus difficiles dans le monde entier. Et elle est particulièrement touchée par les pays en développement, qui seront bientôt responsables d’une grande partie de la pollution mondiale.

Alors qu’à Dubaï les négociateurs des différents États tentent d’atteindre l’objectif qui consisterait à limiter le réchauffement climatique à l’intérieur du seuil critique de 1,5 degré, une autre difficulté vient des hausses des taux d’intérêt, qui n’ont jamais été aussi fortes qu’au cours de l’année précédente. ces derniers mois. Comme le rapporte Politico, les projets climatiques partout dans le monde échouent en raison des coûts de financement élevés, mettant en péril les objectifs de décarbonation de l’économie mondiale. Et les lobbys des fossiles vous remercient.

Les politiques monétaires restrictives adoptées par de nombreuses institutions centrales (Réserve fédérale et BCE en tête) face à la poussée de l’inflation ont produit une hausse du coût de l’argent, avec pour conséquence une pénurie d’investisseurs disposés à s’engager dans la transition verte, où les projets sont généralement à forte intensité de capital et impliquent de longues périodes de retour sur investissement. Ainsi, par exemple, les projets de construction de nouveaux parcs éoliens offshore dans diverses régions du monde, comme au large des côtes du New Jersey ou dans la mer du Nord, ont été annulés.

L’un des thèmes centraux des années à venir sera donc celui de l’équilibre entre durabilité environnementale et durabilité financière, la balance penchant actuellement nettement en faveur de la première. Mais si cela vaut pour tout le monde, cela touche particulièrement les économies émergentes, qui voient s’évaporer les capitaux étrangers nécessaires au financement de l’abandon progressif des énergies fossiles. Justement au moment où on en aurait le plus besoin, puisque, selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ce sont ces pays qui représenteront la part du lion des émissions polluantes dans un avenir proche. A mis entre autres en veilleuse plusieurs projets visant à décarboner la production d’énergie en Afrique du Sud et en Indonésie. Le rythme des investissements verts a également sensiblement ralenti au Moyen-Orient, et de même, les projets de parcs éoliens terrestres deviennent plus rares sur le continent asiatique. La transition écologique devra également attendre dans le « premier monde », car la transition vers l’hydrogène est économiquement insoutenable aux niveaux actuels.

Ainsi, l’objectif de tripler la production mondiale d’énergies renouvelables d’ici 2050, signé ces derniers jours à Dubaï, s’éloigne de plus en plus. Et les propos du sultan Al Jaber, ministre émirati de l’Industrie et envoyé spécial de son gouvernement pour la lutte contre le changement climatique, ainsi que président de la COP28 et PDG de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, sonnent particulièrement à propos, selon qui il n’existe aucun preuve scientifique que l’abandon des énergies fossiles est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique et ramènerait effectivement le monde à l’ère des grottes. En juin 2023, les énergies fossiles couvraient encore 80 % des besoins énergétiques mondiaux.

Comme le souligne Avinash Persaud, envoyé de la Barbade à la conférence des Nations Unies sur le climat, ces dynamiques provoquent un effet domino qui a des répercussions sur l’ensemble de l’économie mondiale mais qui nuit particulièrement aux économies les plus faibles, déjà désavantagées par des conditions de prêt plus strictes en raison de leurs politiques et de leurs politiques. instabilité économique. Mia Mottley, Première ministre de l’île des Caraïbes, œuvre à une réforme structurelle de la finance internationale, afin de garantir que les États émergents soient aidés par les plus riches dans la lutte contre le changement climatique. Le soi-disant « programme de Bridgetown » (du nom de la capitale barbadienne) envisageait essentiellement de prêter davantage de capitaux à moindre coût aux pays en développement pour les soutenir dans leurs interventions d’atténuation et d’adaptation.

C’était aussi le sens du fonds de réparation des pertes et dégâts annoncé en grande pompe au début de la COP28 le 30 novembre dernier, une sorte de compensation des dommages que ces nations ont subis du fait du changement climatique sans pour autant être responsables de la pollution qui en résulte. l’a produit (et pour lequel l’Italie a promis une contribution de 100 millions d’euros). Mais tout cet échafaudage grince sous le poids des taux d’intérêt. Et les résultats sont déjà visibles : « Nous avons assisté à un retrait des flux de capitaux internationaux, rendant la transformation verte dans les pays en développement encore plus difficile », a déclaré Persaud.

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