Visite surprise d’Orban à Kiev : « Avec Zelensky pour parler de paix »

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Vingt-quatre heures seulement après avoir pris la tête du Conseil de l’Union européenne, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a décidé d’effectuer un voyage inattendu à Kiev pour rencontrer le président Volodymyr Zelensky. Leur discussion « portera sur les possibilités de parvenir à la paix, ainsi que sur les questions actuelles des relations bilatérales entre la Hongrie et l’Ukraine », a déclaré sur X le porte-parole du dirigeant hongrois, Zoltan Kovacs.

Relations avec Zelensky

Comme on le sait, Orban est considéré comme le principal allié de la Russie de Vladimir Poutine au sein de l’UE et de l’OTAN. Le Premier ministre de Budapest n’a d’ailleurs rien fait pour cacher sa proximité avec le Kremlin : depuis le début de la guerre, son gouvernement s’est systématiquement opposé aux sanctions contre Moscou, et a bloqué pendant des mois l’aide financière et militaire de Bruxelles à l’Ukraine. Mardi 2 juillet est la première visite d’Orban à Kiev depuis le début du conflit : en revanche, le dirigeant hongrois a été le premier à rencontrer Poutine depuis le début de la guerre.

Les relations entre Orban et Zelensky ont été glaciales, voire conflictuelles. Après avoir été réélu en avril 2022, le Premier ministre hongrois a même accusé Zelensky de faire campagne contre lui, au point de le définir comme un adversaire. Cependant, quelque chose semble avoir changé ces derniers temps sur l’axe Budapest-Kiev. Lors du dernier sommet européen, les deux dirigeants ont été vus en train de discuter longuement avant la réunion. L’Ukraine s’est engagée auprès de Bruxelles à garantir une plus grande protection juridique aux minorités situées à l’intérieur de ses frontières, notamment aux 100 000 Ukrainiens de langue hongroise. Une situation, celle de la minorité hongroise, sur laquelle Orban avait demandé à plusieurs reprises des garanties.

Le tournant

Il est encore tôt pour parler d’un tournant décisif de la part de Budapest dans la question ukrainienne. Mais pour Orban, l’amélioration des relations avec Kiev pourrait contribuer à consolider les relations avec une partie importante de la droite européenne, celle des conservateurs ECR dirigés par Giorgia Meloni. Depuis des mois, on parlait de l’éventuelle entrée d’Orban dans les rangs du groupe ECR au Parlement européen. Mais le coprésident conservateur Nicola Procaccini, député européen, a souligné que quiconque souhaite rejoindre le groupe doit signer une déclaration claire d’engagement à soutenir l’Ukraine.

Après avoir fermé la porte de l’ECR dimanche dernier, Orban a annoncé la naissance d’une nouvelle alliance, qui voit pour l’instant les Tchèques d’Ano (anciens membres des libéraux) et les Autrichiens du FPÖ (quittant le groupe souverainiste ID, celui de Marine Le Pen et la Ligue). Les sirènes du premier ministre hongrois semblent attirer surtout des forces considérées comme plus proches de Moscou que de Kiev, mais Orban veut aussi cibler des éléments actuellement au sein de l’ECR, comme les Polonais pro-ukrainiens du PiS. L’idée est de créer un « supergroupe » de droite qui, dans le sillage d’un éventuel gouvernement français dirigé par un souverain, pourrait avoir davantage son mot à dire dans les instances du pouvoir à Bruxelles et à Strasbourg.

Pour réussir cette entreprise, Orban semble enclin à modérer son ton anti-européen. La présidence tournante de l’UE par la Hongrie arrive à point nommé : ce n’est pas un hasard si les diplomates de Budapest répètent depuis des jours que leur gouvernement, malgré les attentes, se comportera en « médiateur honnête » dans les mois à venir sans bloquer le travail législatif de l’Union. Y compris, espèrent-ils à Kiev, des mesures contre Moscou et celles de soutien à l’Ukraine.