Pacte de stabilité : les règles changent, mais l’austérité reste

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Les ministres des 27 États membres de l’Union européenne sont parvenus à un accord très difficile sur les nouvelles règles budgétaires du bloc. La réforme du Pacte de stabilité et de croissance était demandée depuis longtemps et des pays comme l’Italie insistaient pour qu’elle implique un abandon définitif des règles d’austérité. Mais la résistance des nations dites frugales a anéanti cet espoir, et le nouveau Pacte ne marque aucune rupture avec le passé, mais seulement des règles plus flexibles (et en même temps plus complexes).

Les toits restent les mêmes

La base de tout reste toujours la même, celle consacrée par le traité de Maastricht avec les seuils maximaux de 3% pour le ratio déficit/PIB, et de 60% pour la dette publique. Ce sont encore les étoiles polaires, les plafonds maximaux qui sont donnés aux Vingt-Sept. Les États ne respectant pas ces paramètres devront se conformer à des plans de remboursement convenus avec la Commission européenne et d’une durée de quatre à sept ans. Forts de l’expérience des Plans Nationaux de Relance et de Résilience (le désormais célèbre Pnrr), les gouvernements devront désormais présenter non plus des plans annuels, mais des plans budgétaires sur quatre ans, avec la possibilité d’étendre la période d’ajustement budgétaire à sept ans pour permettre mise en œuvre des investissements et des réformes stratégiques. Bruxelles vérifiera ensuite chaque année que la trajectoire établie est respectée, et demandera (ou acceptera) des ajustements si nécessaire.

Mot de passe : réduire la dette et le déficit

Le texte appelle à une réduction annuelle moyenne du ratio dette/PIB de 1 point de pourcentage pour les pays dont la dette est supérieure à 90 %. Parmi eux se trouve l’Italie, dont la dette monstres il représente 134 % du PIB, le deuxième en Europe derrière celui de la Grèce qui est de 162 %. Pour les pays les plus vertueux, avec une dette comprise entre 60% et 90% (comme l’Allemagne), un ajustement annuel de la moitié de celui demandé pour l’Italie sera demandé, soit 0,5%. Le déficit devra également être réduit à un rythme constant, et même les États les moins « dépensiers », c’est-à-dire ceux qui ne dépassent pas le seuil fatidique des 3 %, seront tenus de réduire le déficit. Pour ce faire, ils devront maintenir un « tampon » de déficit pour éviter de dépasser les fameux 3 % en cas de crise. Cela signifie qu’ils devront effectivement continuer à réduire encore et encore le déficit.

Mais contrairement à avant, si l’objectif reste le budget (c’est à dire des dépenses et des recettes égales, 0%), comme objectif à moyen terme on nous demande désormais de créer cette « marge de manœuvre » de 1,5%, il va donc falloir évoluer vers un déficit de 1,5% par rapport au Produit Intérieur Brut, pour soutenir (légèrement) les investissements (auparavant on nous demandait de viser 0,5%). Pour garantir que le seuil de coussin soit atteint, l’ajustement annuel requis devrait être égal à 0,4 % du PIB (dans le cas de plans de relance sur quatre ans), qui pourrait être réduit à 0,25 % du PIB (dans le cas de plans de relance sur sept ans). , si nous nous engageons à réaliser des investissements et des réformes.

Pour l’Italie, comme pour les autres pays qui se retrouveront sous la procédure pour déficit excessif (celui de ceux qui dépassent 3% et qui doivent obligatoirement réduire de 0,5% par an), cela signifie qu’une fois sortis de la procédure et tombés en dessous la limite du ratio déficit/PIB de 3% (qui reste la boussole), le chemin à suivre pour parvenir à une nouvelle réduction des dépenses sera plus lent, plus progressif. Mais il sera là de toute façon. Et cela se produira si l’Italie ne s’engage pas manifestement dans une autre voie de réduction, plus importante, comme celle de la dette, et devra donc suivre des règles différentes.

La « clause transitoire »

Pour modérer cet effort, au moins à court terme, sous l’impulsion de la France, et avec le soutien de Rome, une clause transitoire a été approuvée pour la période 2025 à 2027 qui prévoit de prendre en compte, dans le calcul du déficit coupé, le L’augmentation des intérêts sur la dette provoquée par les manœuvres de la BCE, manœuvres qui ont porté les taux d’intérêt à des niveaux records. Bref, étant donné que les États devront payer des intérêts plus élevés pour rembourser leurs dettes, ces intérêts seront pris en compte et il y aura une plus grande tolérance. Ce n’est pas un spin-off complet mais c’est proche. Toutefois, cette tolérance disparaîtra à partir de 2028.

La (fausse) « règle d’or »

Les investissements réalisés pour la défense seront alors pris en considération lors de l’évaluation de l’ouverture d’une éventuelle procédure pour déficit excessif. Il ne s’agit pas exactement de la « règle d’or » demandée par l’Italie, mais plutôt d’une version édulcorée. Une « règle d’or » signifierait que certains investissements ne sont pas du tout pris en compte dans le calcul du ratio. Par exemple, si un État dépensait au total 100 milliards en un an et 20 pour la Défense, le calcul du taux de déficit du PIB se baserait sur le chiffre de 80 milliards de dépenses totales (ce sont des chiffres indicatifs). Toutefois, dans le nouveau Pacte, les dépenses de défense sont considérées comme destinées à atténuer d’éventuels dépassements, mais ne sont pas complètement séparées. Par exemple, si vous deviez réduire votre dette de 2 % sur quatre ans, vous le feriez en la réduisant de 0,5 % chaque année. Mais si au cours des deux premières années ce plafond est dépassé en raison des dépenses de défense, la Commission fermera les yeux, mais au cours des deux années suivantes, la réduction du déficit devra compenser la partie perdue.

Le paradigme de l’austérité demeure

Au-delà des chiffres et chiffres compliqués, la base du nouveau Pacte reste l’hypothèse de l’ancien, à savoir que pour réduire le PIB, il faut réduire le déficit, ce qui est l’axiome d’austérité toujours voulu par les frugaux, par les faucons. Mais dans les années de politique d’austérité, cet axiome a été remis en question et critiqué par ceux qui soutiennent que la réduction du déficit par étapes forcées ne conduit pas nécessairement à une réduction de la dette mais peut au contraire l’augmenter. En effet, réduire le déficit signifie réduire les investissements publics qui sont, dans de nombreux cas, fondamentaux pour stimuler la croissance économique d’une nation, et donc la croissance de son PIB. En bref, le rapport entre le déficit et le PIB ne se réduit pas seulement en réduisant le déficit, mais aussi en augmentant le PIB. Même en faisant un déficit.

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