Oubliez le Green Deal, l’Europe porte désormais son casque de sécurité
De l’Europe de la révolution verte à celle du casque, il n’y avait qu’un pas. En l’espace de quelques années, le Green Deal, grand projet de transition écologique de l’UE, semble déjà être passé au second plan dans la liste des priorités, à Bruxelles comme dans les capitales du continent. Aujourd’hui, les maîtres mots sont sécurité et défense.
Ce tournant, qui a effectivement commencé il y a quelque temps, a été officialisé ces derniers jours par la présidente Ursula von der Leyen. En 2019, lorsqu’elle a été nommée à la tête de la Commission européenne (quittant son précédent poste de ministre allemande de la Défense), la priorité numéro un devait être la double transition écologique et numérique de l’économie du continent. La sécurité et la défense ont été reléguées dans un paragraphe caché de son « Agenda pour l’Europe ». Tout le contraire de ce qui ressort des propos tenus par la dirigeante européenne lorsqu’elle a exposé, le 21 février, aux journalistes à Bruxelles les points clés de sa candidature à un second mandat.
La fin du Green Deal
Il n’y a plus aucune trace du Green deal : en 27 minutes de conférence de presse, le président de cette Commission qui aurait dû entrer dans l’histoire pour la révolution verte, n’a pas évoqué une seule fois le plan de transition écologique. Manfred Weber, le leader du PPE, le Parti populaire de centre-droit, a pris sa place et travaille depuis quelques temps à reformuler le Green Deal en brisant l’axe avec le centre-gauche et les Verts, et avec le soutien du les conservateurs de Giorgia Meloni et, s’il le faut, aussi les souverainistes de Matteo Salvini et Marine Le Pen (toujours en tête dans les sondages en vue des élections européennes de juin).
Les premiers résultats ont été constatés ces derniers mois : la loi sur les pesticides a été abrogée, la loi sur la rénovation des bâtiments a été édulcorée, tout comme les règles sur les emballages. Même l’une des mesures symboliques de la transition écologique, l’interdiction des voitures essence et diesel, prévue pour 2035, risque d’être reportée, comme l’a annoncé von der Leyen elle-même. Mais le mur contre lequel le Green Deal s’est heurté, émergeant avec des os brisés, est celui de l’agriculture : sur les 27 textes annoncés dans le cadre de la stratégie De la ferme à l’assiette (le corollaire agricole du plan vert de l’UE) il ne reste que très peu de choses, quoi qu’en disent les tracteurs et les organisations du secteur. Désormais, le maître mot est compétitivité, ce qui se traduit, selon les ONG environnementales, par permettre à l’industrie polluante de continuer à réaliser son modèle économique sans trop de contraintes écologiques.
Course aux armements
Les autres mots clés de la nouvelle orientation de l’Europe, comme nous le disions, sont défense et sécurité. Von der Leyen, annonçant sa candidature, les a mentionnés à 12 reprises. « Nous voulons renforcer la démocratie en Europe et dans l’Union européenne et nous voulons relever tous les défis qui nous entourent, mais de manière à ce que les citoyens sachent qu’au sein de l’Union européenne, ils bénéficient d’une sécurité et d’une protection », a-t-il déclaré. Comme, comment? Grâce à la consolidation de « notre base industrielle de défense », a-t-il expliqué, ajoutant qu’il souhaitait nommer le premier commissaire européen doté d’un portefeuille spécifique de défense.
Le projet du président de la Commission, qui a trouvé l’approbation enthousiaste du gouvernement italien, est d’aboutir à une stratégie de défense commune qui occupera une place centrale dans l’agenda de l’UE, comme l’a fait jusqu’à récemment le pacte vert. L’un des objectifs de ce plan est d’augmenter les achats groupés d’armes, qui représentent aujourd’hui 18 % de l’ensemble des dépenses d’armement des 27 États de l’UE, mais aussi de canaliser de plus en plus de ressources vers la production de guerre, y compris la recherche (comme cela s’est déjà produit avec la récente remodulation du budget européen). Toutes les capitales ne sont pas d’accord et l’OTAN craint d’être éclipsée. Mais quel que soit le rapport de force autour de la gestion de la défense, tout le monde s’accorde sur la nécessité d’augmenter les investissements dans le secteur.
Non pas que les pays européens ne l’aient pas déjà fait. Depuis le début de la guerre en Ukraine et face aux menaces croissantes de la Russie de Vladimir Poutine et au désengagement des États-Unis (lire Donald Trump) de la défense du continent, les dépenses des membres de l’UE de l’OTAN en armes et en personnel militaire ont augmenté. est passée de 218 milliards d’euros en 2022 à 262 milliards en 2023. Et une nouvelle croissance est attendue pour 2024 (estimée à 330-350 milliards). En l’espace de deux ans, les gouvernements du bloc ont réussi à retirer bien plus de 100 milliards d’euros supplémentaires de leurs budgets. Pour le Fonds social pour le climat, l’ensemble de ressources qui apporteront un soutien économique aux citoyens et aux entreprises les plus touchés par la transition écologique (pensez aux subventions pour l’achat de voitures électriques), les 27 se sont mis d’accord sur un investissement de 65 milliards. Pendant 7 ans.
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