L’Europe n’est pas ouverte à la maternité de substitution, voire veut l’interdire

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Les plus prudents écrivent que « l’Europe est ouverte à la GPA ». D’autres ont tiré la sonnette d’alarme en signalant que « l’UE nous donne le ventre à louer ». Le Parlement européen est pointé du doigt, qui a approuvé jeudi à Strasbourg un texte qui parle, entre autres, des enfants nés de gestation pour autrui. L’utérus loué lui-même n’a cependant pas grand-chose à voir avec cela. Le problème réside plutôt dans le respect des droits des mineurs lorsque leurs parents déménagent d’un pays de l’UE à un autre. Des droits trop souvent niés, alors que la législation européenne déjà en vigueur aujourd’hui devrait l’empêcher. Mais voyons mieux de quoi il s’agit. Et si les rumeurs sur le ventre loué ont un quelconque fondement.

La proposition

Le 7 décembre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition sur la reconnaissance des décisions et l’acceptation des actes publics relatifs à la filiation. Le véritable titre de la proposition (pour être plus précis, un règlement, c’est-à-dire une loi européenne qui, une fois adoptée, entre immédiatement en vigueur dans tous les États membres) est encore plus long et plus abstrus, et envisage également un autre aspect important du texte, le véritable nouveautés, à savoir le Certificat de parentalité.

L’objectif de la Commission n’est pas de créer de nouvelles règles auxquelles chaque pays devra s’adapter, mais de faire respecter celles qui existent déjà et de mettre de l’ordre dans la question complexe de la reconnaissance de la parentalité entre les États membres. En fin de compte, si un enfant, par exemple, est reconnu comme l’enfant de deux parents aux Pays-Bas (et a accès aux droits voisins), cette reconnaissance doit également s’appliquer en Italie ou en Hongrie. Ce n’est pas nouveau : les règles actuelles sur la libre circulation des citoyens européens au sein de l’UE le prévoient déjà, et plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’UE l’ont confirmé. Mais en raison de l’opposition politique dans certains États, ce droit a été refusé à plusieurs reprises.

La loi qui existe déjà

En 2021, par exemple, la Cour de justice de l’UE avait condamné la Bulgarie, qui avait refusé de délivrer une carte d’identité et un passeport à une fillette de deux ans, née en Espagne d’une mère bulgare, parce que celle-ci était mariée à une autre femme (ce qui est légal en Espagne, mais pas en Bulgarie). A cette occasion, la Cour a expliqué que, même si la compétence en matière de droit de la famille relève de la compétence exclusive des États individuels, lorsqu’il s’agit du droit à la libre circulation des personnes, qui est au contraire l’un des fondements de l’adhésion à l’UE, cela doit être être reconnu d’un pays à l’autre.

Des cas comme celui de la jeune fille bulgare concerneraient environ 2 millions de mineurs dans l’Union. Et c’est là l’essentiel : la proposition ne concerne pas les parents, mais les enfants et leurs droits. Des droits déjà établis par la loi, mais qui, dans ces cas-là, doivent faire l’objet de batailles juridiques longues et coûteuses avant d’être reconnus.

C’est pourquoi Bruxelles veut rendre automatique la reconnaissance non pas tant de la filiation elle-même que des droits du mineur qui y sont liés. Pour ce faire, le Certificat européen de filiation sera institué : ce document pourra être demandé par les enfants (ou leurs représentants légaux) auprès de l’État membre « qui a établi la filiation » et pourra être utilisé « comme preuve de filiation dans tous les autres États membres ». « . Mais la Commission va aussi plus loin : outre les droits déjà établis par des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, le nouveau règlement vise à permettre « aux enfants de bénéficier, dans des situations transfrontalières, des droits découlant de la filiation en vertu du droit national, en matière tels que les droits successoraux, les droits alimentaires ou le droit des parents d’agir en tant que représentants légaux de l’enfant (pour des raisons d’éducation ou de santé) ».

La faille de la location d’un utérus

La proposition se termine ici. Rien n’est dit, par exemple, sur la manière dont l’enfant a été conçu, donc sur la pratique de la location de l’utérus, par exemple. Et le Parlement européen a fait de même cette semaine, lorsqu’il a été appelé à donner son avis (attention, « avis ») sur le texte. Strasbourg a voulu apporter sa contribution pour clarifier que la reconnaissance de la maternité de substitution n’est pas en discussion : « Les pays de l’UE – lit-on dans une note du Parlement – pourront continuer à décider s’ils acceptent des situations spécifiques, comme mère porteuse, mais sera toujours tenue de reconnaître la parentalité établie par un autre pays de l’UE, quelle que soit la manière dont l’enfant a été conçu, né ou le type de famille dont il dispose. »

Certains objecteront peut-être que cela crée encore une lacune : un Italien, par exemple, s’installe en Espagne avec sa partenaire espagnole et ici, les deux décident d’avoir un enfant avec une mère porteuse, d’obtenir une reconnaissance, puis de s’installer en Italie. A ce stade, l’Italie devrait reconnaître automatiquement la filiation et surtout les droits qui y sont liés. C’est vrai, mais il y en a plusieurs.

La maternité de substitution comme un crime

Tout d’abord, la maternité de substitution est interdite par la loi en Espagne depuis 2006, et les gauchistes et les féministes sont majoritairement opposés à cette pratique, qu’ils considèrent comme une violation des droits des femmes. L’Espagne n’est pas seule : aucun pays de l’UE ne prévoit expressément la reconnaissance de l’utérus loué : la grande majorité l’interdit expressément. Certains, comme la Belgique ou les Pays-Bas, n’envisagent que la reconnaissance de la GPA « non commerciale », c’est-à-dire sans que l’accord privé entre le couple et la mère porteuse ne prévoie une rémunération.

Cette situation pourrait bientôt changer. Et merci à l’Europe. Oui, car il y a quelques semaines, en octobre, un texte a été approuvé au Parlement européen qui propose de faire de la maternité de substitution un délit dans toute l’UE. « Un frein a été mis à la normalisation d’un crime aberrant comme l’utilisation du corps des femmes pour la procréation d’enfants destinés à la vente », s’est réjoui à cette occasion l’eurodéputé de Fratelli d’Italia, Vincenzo Sofo. À l’écoute de ses paroles, on pourrait dire que l’Europe « ferme » la porte aux entrailles louées. Et pas l’inverse.

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