Un essai particulier va débuter prochainement en France. L’accusation est celle de terrorisme, mais ce ne sera pas un groupe d’extrémistes ou un « loup solitaire » qui sera jugé. Lafarge, une entreprise productrice de ciment, désormais intégrée au groupe Holcim, va finir sur le banc des accusés. Plus précisément, l’entreprise est accusée parce que sa branche syrienne a financé le terrorisme et violé les sanctions européennes afin de faire fonctionner une usine, comme l’a expliqué le procureur antiterroriste français. L’entreprise avait déjà été condamnée à une amende en 2022 lors d’un autre procès aux États-Unis.
Que fait la société Lafarge ?
Lafarge, qui a fusionné avec le groupe suisse Holcim en 2015, est au centre d’une enquête sur ses activités en Syrie depuis 2016. Il s’agit de l’une des procédures pénales d’entreprise les plus importantes de l’histoire judiciaire française récente. Le 16 octobre, les juges d’instruction de Paris ont ordonné que Lafarge soit jugé. Dans un communiqué publié à Reuters Jeudi, la société a déclaré reconnaître la décision des juges d’instruction. Suite à cette annonce, l’action Holcim a chuté de près de 2 %, avant de se redresser légèrement pour clôturer en baisse de 0,7 %.
La France attaquée par l’EI mais ses entreprises font des affaires avec les jihadistes
Lafarge est une entreprise française historique, spécialisée dans les matériaux de construction et devenue leader mondial dans son secteur. Son premier grand projet fut la construction du canal de Suez en 1864, au cours duquel l’entreprise livra 200 000 tonnes de chaux hydraulique pour construire les piles du canal. En juin 2016, le journal transalpin Le Monde avait révélé que Lafarge financerait l’État islamique entre le printemps 2013 et la fin de l’été 2014 afin de pouvoir poursuivre ses activités dans la zone de conflit en Syrie. En 2018, arrive l’accusation officielle de « violation d’un embargo », de « mise en danger de la vie d’autrui » et de « complicité de crimes contre l’humanité ».
Les relations entre Lafarge et l’État islamique
L’enquête plus large, menée par le groupe anti-corruption qui a déposé la plainte pénale contre l’entreprise, examine comment le groupe a réussi à maintenir en activité son usine en Syrie après le déclenchement de la guerre en 2011. La Cour suprême entendue en janvier en France a rejeté la demande de Lafarge. de retirer de l’enquête les accusations de complicité de crimes contre l’humanité.
Les accusations de violation des sanctions concernent l’interdiction européenne des liens financiers ou commerciaux avec les groupes militants État islamique et Al-Nosra. Dans une autre enquête menée aux États-Unis, Lafarge avait reconnu en 2022 que sa filiale syrienne avait payé des groupes désignés par Washington comme terroristes, dont l’État islamique, pour les aider à protéger le personnel des usines dans un pays secoué par des années de guerre civile.