La vraie raison pour laquelle les femmes gagnent moins que les hommes
« J'avais demandé un temps plein, mais on ne me l'a pas donné. 'Tu as de la chance d'avoir 4 heures', me dit-on. Deux heures de travail par jour, pause déjeuner comprise, c'est une blague, heureusement il y a mon mari qui travaille sinon on ne peut pas vivre. C'est un mauvais travail » est le témoignage d'un des nombreux travailleurs italiens qui vivent chaque jour le prix d'un phénomène qui n'a pas sa place dans le débat public.
Esclaves à 600 euros par mois : voici les saisonniers que les entrepreneurs ne trouvent pas
Les travailleurs à temps partiel en Italie sont aujourd'hui plus de 4,2 millions: cette condition est très souvent associée à un type de contrat précaire. Et c’est un phénomène qui concerne davantage le monde féminin que le monde masculin.
En Italie, plus de 3,2 millions de travailleurs à temps partiel sont des femmes et leur nombre (contrairement à leurs homologues masculins) continue de croître constamment : par rapport à 2018, il y en a plus de 100 000 de plus. Et la principale différence qui nous sépare du reste de l’Europe en est une : si ailleurs le temps partiel est choisi pour concilier vie privée, famille et travail, ici il est souvent imposé pour payer moins et éliminer le travail illégal.
En Italie, le taux de temps partiel involontaire le plus élevé d'Europe
Un rapport de l’Association Inégalités Diversité fait le point sur la situation. La croissance des travailleurs qui subissent un travail à temps partiel involontaire (c'est-à-dire ceux qui n'ont pas choisi cette condition et travailleraient volontiers à temps plein) est passée de 36,2 % en 2004 à 64,4 % en 2018. Cela se traduit par un travail de mauvaise qualité, peu de possibilités de travail. réaliser des projets de vie et moins de recettes fiscales dont dispose l'État. Et l’Italie constitue un cas unique sur le Vieux Continent.
La moyenne des travailleurs à temps partiel dans le pays est en fait conforme à celle européenne. Ce qui ne l’est pas, c’est le nombre de travailleurs qui ne choisissent pas cette condition. En Europe, ils ne sont que 19,7 %, tandis qu'en Italie, plus de la moitié des travailleurs à temps partiel (56,7 %) sont involontaires. Traduit : ce sont des gens qui aimeraient un emploi et un salaire à temps plein, mais qui se retrouvent à travailler à temps partiel et à recevoir des salaires très bas.
Salaires de faim et argent « de la poche » : pourquoi nous ne luttons pas contre le travail illégal et sous-payé
Les femmes, en particulier les plus jeunes, entrent sur le marché du travail avec une pénalité horaire, et donc salariale, plus importante que celle des hommes. Une caractéristique qui tend à creuser l’écart salarial entre hommes et femmes. Et c’est souvent une excuse pour échapper aux impôts et aux cotisations.
Si le temps partiel cache un travail illégal
Le travail à temps partiel involontaire est beaucoup plus répandu dans certains types de travail : dans les services familiaux, dans l'hôtellerie et la restauration. Dans tous ces secteurs, ce sont toujours les travailleuses qui en paient le prix.
Et ce sont précisément les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie qui, selon les dernières données disponibles de l'Inspection du travail, connaissent le taux d'infractions le plus élevé : ils dépassent 76% des contrôles. Et la pratique est souvent similaire : derrière le temps partiel ou le nombre réduit d’heures travaillées, se cachent l’argent donné en dehors du salaire et le travail illégal, comme Libremedia.ca l’a déjà documenté dans de nombreux insights et articles.
« Vous savez, une partie de l'argent est donnée dans le salaire… L'autre en dehors du salaire… » Un restaurateur répond à un de nos journalistes qui se fait passer pour une serveuse lors d'une enquête sur les métiers liés à la restauration « C'est ça , en noir ? » Elle insiste. « Oui, exactement, hors enveloppe » précise-t-il. Mais ce n'est pas seulement une prérogative de la restauration : selon une enquête Uiltucs, 27,6 % des augmentations de salaire dans les supermarchés romains sont versées hors fiche de salaire.
J'ai passé une journée de folie (extraordinaire) à l'Inspection du Travail
Et les gens sont souvent embauchés à temps partiel pour avoir un travail plus « flexible » en fonction des besoins de production : dans ce cas, les heures excédentaires ne sont pas toujours rémunérées. « Le contrat est à temps partiel mais en réalité on travaille à temps plein, j'ai fait beaucoup d'heures supplémentaires donc ce qu'on appelle le travail supplémentaire qui n'était pas payé en supplément. La demande arrivait toujours à la dernière minute, sans planification et je tendais toujours accepter parce que j'avais l'impression de subir un chantage », raconte un travailleur interrogé par les chercheurs du Forum Inégalités Diversité.
Et « chantage » est le terme le plus juste auquel sont soumis de nombreux travailleurs italiens. Ce n'est pas un hasard si l'Italie est le pays où les salaires n'ont pas augmenté depuis 30 ans et où le taux de natalité est parmi les plus bas d'Europe, malgré les proclamations retentissantes de nos « défenseurs de la famille » locaux. Peut-être que tôt ou tard, même ceux qui nous gouvernent comprendront que pour la défendre, nous devons avoir le courage de défendre la seule chose qui permet à chacun de choisir et de s’autodéterminer : la dignité du travail. A commencer par celui des femmes.