La passion d’Orban pour la Chine et les voitures électriques

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Si pour Giorgia Meloni et Matteo Salvini la voiture électrique et la Chine représentent deux dangers maximum pour nos entreprises et nos travailleurs, l’un de leurs principaux alliés en Europe, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, va dans la direction opposée. Oui, car la Hongrie pourrait bientôt devenir l’un des principaux producteurs de batteries pour véhicules électriques du continent. Et cela grâce aux investissements somptueux de Pékin. Avec qui le leader de Budapest, parmi les nouveaux « héros » de la droite italienne, entretient des relations de plus en plus étroites.

Voitures chinoises, ouvriers hongrois

D’après ce que rapporte le journal Politique, le gouvernement hongrois serait sur le point de conclure un accord avec le constructeur automobile chinois BYD pour accueillir la première usine européenne de l’entreprise dans le pays. L’usine s’ajouterait aux usines d’autres sociétés chinoises telles que Catl, Eve Energy, Ningbo Zhenyu Technology, Nio et Huayou Cobalt, toutes annoncées courant 2023.

Certaines d’entre elles, par exemple celle gérée par Eve Energy, fourniront des batteries à l’allemand BMW, qui a depuis longtemps une forte présence industrielle dans le pays hongrois. Selon certaines reconstitutions, il semble que ce soient précisément les intenses synergies entre l’industrie automobile de Berlin et Budapest qui ont poussé le chancelier Olaf Scholz à parvenir à un accord avec le dirigeant hongrois afin de ne pas saborder l’ouverture des négociations d’adhésion de Kiev à l’UE. (et ouvrir les robinets de Bruxelles pour que 10 milliards de fonds communautaires gelés arrivent dans les caisses d’Orbán).

Depuis des années, la Hongrie se concentre sur l’industrie automobile comme moteur de son économie : nous parlons d’environ 6 % du PIB, tandis que les fournisseurs externes représentent 8 à 9 % supplémentaires. Comme mentionné, il existe une part importante de la production allemande, mais il existe également des usines sud-coréennes, japonaises et même chinoises qui investissent massivement dans la production de véhicules électriques. Les géants mondiaux sont attirés par la main d’œuvre hongroise, qualifiée mais néanmoins bon marché, alors que le pays représente une porte d’entrée importante pour le marché européen.

De Pékin avec amour

De plus, la Chine est le principal investisseur étranger en Hongrie depuis 2020. Mais le gouvernement de Budapest veut renforcer encore davantage le lien économique avec Pékin, dans la perspective de ce que l’on a qualifié de politique d’« ouverture à l’est » (une formule qui rappelle leOstpolitique allemand inauguré par le chancelier Willy Brandt). L’été dernier, le ministre des Affaires étrangères de Budapest, Péter Szijjártó, est allé jusqu’à affirmer que le découplage et la réduction des risques de l’économie du Dragon constitueraient un « suicide pour l’économie européenne ».

Le Premier ministre hongrois a été le seul dirigeant de l’UE à participer au forum chinois de la Route de la Soie (ou BRI, acronyme de l’initiative anglaise Belt and Road) en octobre dernier à Pékin, recevant la reconnaissance d’« ami de la Chine » de nul autre que par le président Xi. Jinping lui-même. À peine deux mois plus tard, les dirigeants européens se sont rendus dans la capitale chinoise pour tenter de faire entendre leur voix sur la libre concurrence et la balance commerciale, créant ainsi un véritable désastre.

Une véritable « tête de pont » (ou, pour ceux qui veulent, un cheval de Troie) pour les intérêts chinois sur le Vieux Continent, en somme, selon les mots de Dóra Győrffy, professeur d’économie à l’université Corvinus de Budapest citée par Politique. Comme c’est d’ailleurs le cas avec la Russie : une dynamique qui place entre les mains de Pékin et de Moscou de grands leviers pour faire chanter Bruxelles, ou du moins pour saper l’unité des Vingt-Sept. Ainsi, des négociations sur l’Ukraine aux sanctions contre la Chine sur les droits de l’homme, nous avons désormais appris à voir comment les veto d’Orbán empêchent régulièrement l’Europe de prendre une position univoque sur des questions qui concernent directement les dirigeants russes et chinois.

Le point de vue de Rome

En fait, la Hongrie est l’un des rares pays de l’UE encore membre de la BRI, tandis que le gouvernement Meloni a récemment abandonné ce projet après l’arrivée de Rome en 2019. L’exécutif de l’époque était dirigé par Giuseppe Conte, mais l’un des deux vice-premier ministre ministres à l’époque, le secrétaire de la Ligue Matteo Salvini occupe aujourd’hui le même poste.

Après avoir approuvé il y a quatre ans le mémorandum incriminé, le leader de la Ligue du Nord compte désormais parmi les partisans les plus virulents du front anti-Pékin, qui s’exprime surtout dans son opposition à l’achat, par la partie européenne, de technologies chinoises. au cœur de la transition écologique comme les panneaux solaires, les batteries et les voitures électriques.

Mais, en même temps, Salvini et la Première ministre Giorgia Meloni sont alliés en Europe précisément avec Viktor Orbán, qui fait tout pour désamorcer les tentatives (y compris italiennes) d’éloigner progressivement le Vieux Continent du pouvoir chinois.

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