La loi européenne de défense des coureurs bloquée par l’Italie

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

La mort du cavalier Lello Acampora, 50 ans, décédé dans un accident dans la zone napolitaine alors qu’il était en service, a remis en lumière les conditions des travailleurs du secteur. Des conditions que la Commission et le Parlement européen ont proposé d’améliorer à travers le continent grâce à une loi qui introduit davantage de droits et de protections, ainsi que la lutte contre le phénomène des faux numéros de TVA. Mais la proposition, après un long processus, s’est arrêtée au dernier kilomètre. Ce qui a fait vaciller l’approbation finale de la loi, c’est l’opinion contraire de certains États membres, à commencer par l’Italie et la France. Et Paris s’oppose désormais également à ce que la présidence belge de l’UE utilise ce projet d’accord comme point de départ pour de futures négociations.

L’accord provisoire

Le feu vert provisoire à la première directive visant à réglementer les performances des travailleurs du numérique, y compris les passagers et les chauffeurs de plateformes en ligne (telles que Deliveroo et Uber respectivement), est arrivé le 14 décembre dernier lors du trilogue, après un processus législatif mouvementé qui a duré deux ans. L’objectif, revendiqué par le centre-gauche qui l’avait qualifié d’« historique », était de garantir davantage de droits aux travailleurs du secteur en luttant contre le phénomène répandu des « faux numéros de TVA », c’est-à-dire de la contractualisation comme auto-entrepreneuriat. travailleurs salariés pour des personnes qui, en réalité, travaillaient comme employés pour des entreprises.

Et ce n’est pas rien : les travailleurs concernés sont environ 28 millions en Europe, employés sur plus de 500 plateformes de travail numérique pour un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros par an. On estime qu’au milieu de la décennie, il y aura 43 millions de travailleurs du numérique : parmi eux, neuf sur dix ont un contrat TVA, mais il y aurait environ 5,5 millions de faux travailleurs indépendants qui ne peuvent cependant pas encore compter sur un cadre législatif clair pour faire valoir vos droits. Par ailleurs, selon la Commission, environ 55 % de ces salariés perçoivent un salaire inférieur au salaire horaire minimum du pays dans lequel ils travaillent.

Présomption légale et algorithmes

L’un des points clés de la directive était donc la reconnaissance des salariés, qui était facilitée par certains critères communs à tous les pays membres et auxquels chaque État pouvait en ajouter d’autres. En présence d’au moins deux de ces éléments, le travailleur aurait pu demander à la plateforme qui l’emploie de signer un contrat de salarié subalterne, ou introduire un recours si son employeur refusait de le lui accorder, renversant ainsi la charge de la preuve. qui est passé du prestataire à l’employeur.

Ces critères étaient les suivants : limites maximales imposées à la rémunération du travailleur ; contrôles de leur travail, y compris par des moyens électroniques et des algorithmes numériques ; contrôles sur la répartition ou l’attribution des tâches ; contrôles des conditions de travail et restrictions du libre choix des horaires de travail ; et enfin des restrictions à la liberté d’organiser son travail ainsi que des règles spécifiques en matière d’apparence et de comportement à respecter sur le lieu de travail.

En outre, la directive prévoyait l’obligation pour les entreprises d’assurer « une surveillance humaine des systèmes automatisés pour garantir leur conformité aux conditions de travail », donnant également aux travailleurs « le droit de contester les décisions automatisées, telles que la fermeture ou la suspension des comptes » utilisés pour travailler. L’utilisation d’algorithmes et d’intelligence artificielle pour prédire, par exemple, si les travailleurs avaient l’intention de faire grève ou d’adhérer à un syndicat était également interdite.

Le revirement du Conseil

Mais une semaine seulement après l’accord, les gouvernements nationaux n’avaient déjà pas réussi à approuver la directive le 22 décembre, un coup dur pour la présidence espagnole qui était sur le point de terminer son mandat de six mois. Une douzaine d’États membres, dont la France et l’Italie, se sont opposés à l’accord, tandis que l’Allemagne se serait abstenue de participer aux discussions.

La question cruciale qui n’a pas trouvé grâce auprès du gouvernement français (qui a toujours été critique à l’égard de la législation en question) est précisément la présomption légale d’emploi, c’est-à-dire le mécanisme décrit précédemment par lequel un travailleur est présumé salarié et est responsable au travail de son employeur prouver le contraire devant le tribunal. En substance, les critères d’activation de la présomption ont été jugés trop stricts, bien qu’ils soient issus d’une longue négociation entre les colégislateurs, partis de positions très différentes.

Paris contre Bruxelles

Les négociations entre représentants de la Commission, du Conseil et du Parlement se sont donc poursuivies dans les premières semaines de la nouvelle année, sous présidence belge, mais c’est encore une fois Paris qui s’est opposé à l’utilisation du texte rejeté en décembre comme point de départ pour rechercher une nouvelle place. Et à l’approche des élections européennes de juin, celles de Bruxelles constituent une véritable course contre la montre pour obtenir l’approbation de la directive avant le début du nouveau cycle politique de l’Union.

La Belgique a tenté d’accorder quelques ouvertures aux gouvernements les plus critiques, mais il semble que cela ne soit pas suffisant. La France, en particulier, estimerait que Madrid et Bruxelles vont au-delà de leur rôle de médiateurs neutres exigé d’une présidence tournante et qu’elles font trop pencher la directive du côté des travailleurs, au détriment des entreprises.

Au contraire, selon Paris, une approche plus flexible et attentive aux besoins globaux du marché ainsi qu’aux spécificités des systèmes juridiques nationaux serait nécessaire, et l’orientation générale du Conseil adoptée sous la présidence suédoise en juin 2023 devrait être dépoussiéré : non seulement les critères à satisfaire pour déclencher la présomption légale seraient trop peu nombreux, mais ils seraient aussi si généraux qu’ils finiraient par s’appliquer à toutes les plateformes, quel que soit leur secteur d’activité, ce qui nuirait également les « vrais » travailleurs indépendants.