La Hongrie souverainiste veut rendre l’Europe grande avec l’aide de la Chine

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

La devise « Make Europe Thank Again » résonne dans les couloirs des institutions européennes, une référence évidente au slogan de Donald Trump (« Make America Great Again »). Le relanceur, urbi et orbi, c’est le gouvernement hongrois de Viktor Orban qui dirigera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre. Le semestre confié au gouvernement le plus souverainiste de l’Union européenne inquiète les différentes chancelleries du bloc, déjà confrontées à une période délicate en raison des résultats des élections législatives en France, de la décision sur les nouveaux chefs des institutions européennes et du vote aux États-Unis en novembre. Et il n’est pas surprenant que le semestre européen aux mains de l’autocrate hongrois, admirateur de Donald Trump et ambassadeur de facto des intérêts de Moscou et de Pékin à Bruxelles, puisse déstabiliser les équilibres déjà fragiles des 27 pays européens.

Un autre sujet d’inquiétude concerne le dialogue formel qui a eu lieu entre Budapest et Pékin à la veille du semestre hongrois. Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a téléphoné à son homologue chinois Wang Yi pour le rassurer que durant la présidence hongroise, l’Union européenne cherchera à renforcer les relations avec Pékin et à créer « un environnement favorable » pour la deuxième économie mondiale du pays. Cet appel téléphonique tout à fait inhabituel est probablement une réponse aux demandes de Pékin demandant au gouvernement Orban de défendre les intérêts de la Chine dans l’UE.

Selon les médias hongrois, les deux ministres ont également discuté de l’épineuse question des droits que l’Union européenne souhaite introduire sur les importations de véhicules de dernière génération produits en Chine (déjà taxés à 10 pour cent). Accusée d’obtenir des subventions gouvernementales injustes, Bruxelles veut cibler certaines des marques les plus connues du secteur électrique chinois, comme BYD, sur lesquelles serait appliquée une taxe de 17,4 pour cent.

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La marque BYD a conquis le cœur des Hongrois puisque le gouvernement de Budapest a signé un accord avec le géant chinois pour la construction d’une usine dans la ville hongroise de Szeged. Mais comment la Hongrie a-t-elle réussi à entrer dans les bonnes grâces de l’un des plus importants constructeurs chinois d’automobiles électriques ? Ce qui fait probablement la balance, c’est la relation entre Budapest et Pékin : la Chine est le principal investisseur étranger en Hongrie depuis 2020. Il suffit de dire que le commerce bilatéral a atteint 14,5 milliards de dollars l’année dernière, +73 pour cent par rapport à 2013. Il existe un solide relation entre la Hongrie et la Chine, pourtant consolidée par le projet d’infrastructure lancé par le président chinois Xi Jinping, la Nouvelle Route de la Soie. Sans oublier que le géant des télécommunications Huawei a construit ces dernières années en Hongrie son plus grand hub de production et de logistique hors de Chine. Premier pays européen à rejoindre l’Initiative la Ceinture et la Route (Orban a été le seul chef de gouvernement de l’UE à participer à Pékin après le Forum de la Ceinture et la Route), la Hongrie est ainsi devenue la porte grande ouverte de la Chine vers l’Union européenne.

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Il n’est donc pas surprenant que lors de l’appel téléphonique, le ministre hongrois des Affaires étrangères ait présenté à Pékin l’agenda hongrois (qui comprend 7 points fondamentaux, comme la compétitivité du marché unique, les politiques de défense, l’élargissement de l’Union et la lutte contre l’immigration) qui il veut rendre à l’Europe sa grandeur. Avec l’aide de la Chine.