Lorsque le président Emmanuel Macron a convoqué des élections anticipées après le 9 juin, il a évoqué l’idée de « donner la parole aux Français ». Et la voix est venue haut et fort. L’Elysée centriste et libérale a été rejetée, l’extrême droite est au seuil du pouvoir et le large camp de la gauche écologiste résiste, mais n’endigue pas la vague du Rassemblement National. Si le Nouveau Front populaire se renforce dans les centres urbains (notamment à Paris), l’engagement de l’unité rouge-verte n’a pas suffi à repousser le Rassemblement National, en avance dans une grande partie du pays.
La France sort des urnes divisée entre banlieues et grandes villes, les vieux pôles industriels et les zones rurales étant encore plus à droite (au Nord comme au Sud), tandis que plusieurs centres urbains récompensent les candidats de gauche, avec des scores très élevés. rares exceptions à l’Occident où le parti macroniste règne en maître. La balance pourrait finir entre les mains des Républicains d’Eric Ciotti, partagés entre la volonté de leur chef de soutenir l’extrême droite et le reste du parti qui n’a pas envie de remettre les clés de l’Assemblée nationale (et en perspective de l’Elysée) à Marine Le Pen et son jeune dauphin Jordan Bardella. Le 7 juillet sera le jour décisif pour l’avenir des cousins français. Pour le centre et la gauche, rebattre les cartes en seulement six jours sera une tâche très difficile.
Données de participation
Convoqués à la hâte par Emmanuel Macron, les élections législatives françaises livrent dès le premier tour un chiffre important : un taux de participation important (plus de 68 %), le plus élevé depuis 1997. Moins d’un mois après les élections européennes, cette fois les sondages montrent le visage. de la France métropolitaine et d’outre-mer (très chargée ces dernières semaines) avec encore plus de clarté. Le Rassemblement National est en tête avec 33,15% des suffrages à l’échelle nationale. Derrière lui se trouve le Nouveau Front populaire (27,99%), la coalition emmenée par La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard, primée par les agglomérations.
Ensemble! Pour la République, le parti du président Emmanuel Macron (un peu plus de 20 %), n’a tenu bon que dans le Nord-Ouest de la France. Le couple primé d’extrême droite, la « douce » Marine Le Pen et le jeune « capitaine » Jordan Bardella, sont en route à la conquête de l’Hexagone avec leur rhétorique anti-immigration et le récit d’une France dorée, le tout visant à un passé mythifié, également résultat d’une mémoire déformée, qui fascine pourtant et donne un semblant de sécurité (ou du moins de changement) à une grande partie de la population.
En France, la droite triomphe, mais ne peut pas gouverner
Les banlieues déçues et en colère
Comme le rapporte France 24, banlieues à la fois industrielles et rurales, dont certaines avaient même été dans le passé un pilier du Parti communiste français, ont embrassé le « nouveau » Rassemblement National de Marine Le Pen. La dirigeante apparaît moins extrémiste et moins « toxique » que son père Jean-Marie, fondateur du Front national (accusé d’antisémitisme et de liens indissolubles avec les collaborateurs nazis-fascistes de Vichy). Son virage apparemment plus modéré a été récompensé par un vote largement ouvrier, agricole et petit-bourgeois, nostalgique et exaspéré par la perte du pouvoir d’achat, la délinquance et les règles de l’Union européenne, qu’il considère avec une grande hostilité pour le locataire actuel. de l’Elysée, par qui les électeurs se sont sentis trahis. Peu importe que les recettes économiques de Bardella puissent récompenser les plus riches indépendamment de leur mérite, ce qui compte maintenant, c’est d’exprimer sa colère et son opposition au gouvernement actuel.
Géographie du vote français
Le RN a obtenu les résultats les plus nets dans les fiefs du nord et du nord-est de la France, avec 38 élus dès le premier tour, qui ont obtenu plus de 50 % des voix, représentant au moins 25 % des inscrits sur les listes électorales. Parmi les candidates élues au premier tour figurait Marine Le Pen elle-même, qui s’est imposée dans la circonscription électorale du Pas-de-Calais (58,04 %). Dans le Nord-Est, le Rassemblement National n’a pu s’imposer ni parmi les électeurs de Lille, qui ont récompensé Aurelién Le Coq du Nouveau Front populaire, ni parmi ceux de Strasbourg, qui ont envoyé des candidats du Nouveau Front populaire et d’Ensemble au second. rond. . L’extrême droite s’est également implantée ou est en avance dans les régions du centre et du sud de la France. Même dans ce cas, les grandes villes comme Lyon, Toulouse et Nantes font exception. Les Républicains d’Eric Ciotti sont en revanche en tête à Nice, tandis que dans un Marseille multiethnique et en proie aux barons de la drogue, Monique Griseti du RN est en tête, mais n’a pas pu obtenir la majorité absolue pour obtenir un siège.
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-Le Monde (@lemondefr) 1 juillet 2024
Paris récompense la gauche
La chute libre de Macron s’est confirmée, car il s’accrochait à une stratégie « anti-extrêmes » qui n’a pas porté ses fruits. Ses candidats n’ont un léger avantage que dans l’ouest de la France, comme à Bordeaux et à Angers. Le « désastre » du centre macroniste est encore plus net dans la capitale. Paris s’est teint en rouge, davantage que lors des dernières élections présidentielles. Avant ces élections, les 18 circonscriptions étaient réparties à parts égales entre les candidats pro-présidentiels et ceux de la précédente formation de gauche écologiste Nupes. Cette fois, le taux de participation historique aux urnes, avec une vaste mobilisation incluant des étudiants, a récompensé le Nouveau Front populaire qui a déjà élu neuf députés au premier tour. Globalement, la gauche est en tête dans 13 des 18 circonscriptions parisiennes. Certaines têtes proches de Macron (aujourd’hui ou hier) sont déjà tombées, comme Clément Beaune, ancien ministre des Transports, rejeté aux urnes alors qu’il s’était opposé à la loi sur l’immigration, et pour cette raison exclu du parti. Le ministre de la Fonction publique Stanislao Guerini est également en difficulté à l’approche du second tour.
« Moi ou le chaos », la stratégie de Macron qui lui coûte les élections
En vue du scrutin du 7 juillet, les accords et compromis seront déterminants. Le centre macroniste pourrait demander de voter sur les candidats de gauche là où ces derniers sont en tête, pour affronter ensemble l’extrême droite, mais il n’est pas sûr que tous les candidats soient d’accord sur cette option. Le Parti républicain, qui incarne sur le papier l’héritage de Charles De Gaulle, est désormais appelé à trancher. Déformez-vous comme le demande le président Eric Ciotti, en soutenant expressément Bardella et ses candidats, ou prenez du recul et rejoignez ce « front démocratique et républicain » invoqué par Macron pour battre l’extrême droite qui ne fait plus peur mais qui est apprécié par une large partie de la population. le français.