Comment évolue le Pacte de stabilité (et quels sont les risques pour l’Italie)

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Le nouveau Pacte de stabilité semble désormais avoir pris sa forme définitive. L’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne sont parvenues à un accord sur les nouvelles règles, et pour clôturer le jeu, il semble que seuls les derniers détails manquent et surmontent les dernières résistances de certains pays frugaux. L’objectif est d’obtenir le feu vert définitif d’ici un an, pour que le retour en 2024 des contraintes budgétaires, suspendues suite à la pandémie et gelées avec la guerre en Ukraine, se fasse avec un cadre réglementaire plus clair et plus réaliste, et qui ne enliser une nouvelle fois l’Europe.

Les limites de l’ancien Pacte

L’ancien Pacte ne convainc en effet plus depuis un certain temps la grande majorité des économistes. Même les experts de la Commission européenne, longtemps considérés comme les sombres défenseurs de l’austérité, ont reconnu son échec : elle n’a pas aidé les pays les plus endettés, comme l’Italie, à réduire le fardeau de la dette publique, et en même temps elle a bloqué la croissance économique globale du continent. De plus, en raison de la manière dont il a été structuré, le Pacte n’a pu transformer les recommandations de Bruxelles en actions concrètes que dans quelques cas et a été largement ignoré.

Par exemple, malgré des violations répétées des règles, aucun pays n’a jamais été sanctionné de « l’amende » attendue dans ces cas, c’est-à-dire une amende égale à 0,1 % du PIB. Au contraire, la véritable sanction (non inscrite dans les règles) était de déclencher d’âpres affrontements politiques entre Bruxelles et certaines capitales, comme Rome, avec des effets négatifs pour les États concernés en termes de stabilité du marché (pensez à la propagation).

Le nouveau Pacte devrait combler ces lacunes, en offrant aux gouvernements des voies plus durables et plus réalistes pour réduire la dette publique et le déficit, et en leur laissant la marge de manœuvre nécessaire pour poursuivre les investissements, compte tenu notamment de la nécessité de donner suite à la double transition écologique et numérique, et ne pas prendre du retard sur les États-Unis et la Chine. Les règles plus souples, du moins dans les locaux, seront accompagnées de sanctions plus concrètes en cas de manquement aux engagements. En d’autres termes, celui qui s’égare paiera cette fois-ci. Mais voyons en détail ce qui change.

Les paramètres

Le Pacte de stabilité dans sa version actuelle impose aux États membres de maintenir un ratio entre les dépenses annuelles déficitaires (c’est-à-dire supérieur aux recettes fiscales) et le produit intérieur brut (PIB) égal à 3 % et un ratio entre la dette publique et le PIB égal à 60 %. La plus grande critique du Pacte concernait surtout le deuxième paramètre : les pays qui dépassent le seuil des 60 % doivent s’engager dans un processus de réduction de la dette qui prévoit une réduction de 5 % par an. Cette voie a été jugée irréaliste pour ceux qui, comme l’Italie, ont une dette publique supérieure à deux fois le paramètre de référence. L’escalade des dettes suite à la pandémie a rendu cette règle encore plus irréaliste.

Les deux paramètres déficit et dette, dans la nouvelle formulation, demeurent. Mais la manière et les délais pour y parvenir changent. La Commission européenne sera chargée d’établir des plans pluriannuels avec chaque État membre, chacun tenant compte des spécificités des comptes du pays concerné. Les plans auront une durée de 4 ans, extensible à 7 si, par exemple, un gouvernement s’engage à réaliser certaines réformes et investissements.

Plans pluriannuels

Les plans visent à réduire à la fois la dette et le déficit de ceux qui dépassent les paramètres du Pacte. Ceux qui ont une dette entre 60 et 90 % devront la réduire à raison de 0,5 % par an. Ceux qui ont une dette supérieure à 90 %, comme l’Italie, devront la réduire de 1 % par an (rappelons que jusqu’à présent elle était de 5 %). Mais pour notre pays, la question la plus compliquée concerne les dépenses annuelles, c’est-à-dire le déficit.

Selon l’accord conclu aujourd’hui, les pays endettés au-dessus de 60% devront non seulement respecter la limite de déficit de 3%, mais aussi réserver dans leurs plans un « trésor » de sauvegarde, une sorte de tirelire à briser en cas de crises soudaines. Cela commence à 1% du PIB pour les moins endettés, pour atteindre 1,5% pour des Etats comme l’Italie. Pour remplir cette tirelire, vous devrez procéder à des réductions annuelles de 0,3% si le plan est à 4 ans, et de 0,2% si le plan est à 7 ans. Dans les deux cas, c’est moins que ce qu’exigent les règles actuelles (0,5%).

Flexibilités

Vu sous cet angle, tout cela semble être de l’eau pour le moulin de l’Italie. Mais derrière les pourcentages se cache une série de détails techniques qui peuvent rendre même ces nouveaux plans de remboursement, bien que plus dilués et moins rigides, loin d’être simples à mettre en œuvre. Déclencher un bras de fer avec Bruxelles qui, cette fois, outre des effets indésirables comme ceux sur la propagation, entraînerait de véritables sanctions. Le mot d’ordre de notre gouvernement était la « flexibilité », assortie de paramètres et de limites. Plus précisément, Rome a demandé d’exclure du calcul du déficit une série de dépenses pour des investissements considérés comme stratégiques par l’Europe elle-même, comme celles du Pnrr et celles militaires. Mais aussi de prendre en compte l’effet des taux d’intérêt sur les comptes lorsque la BCE, comme cela s’est produit récemment, les augmente pour lutter contre l’inflation dans l’ensemble de la zone euro.

La demande a été acceptée en partie avec l’inclusion d’une série de « flexibilités interprétatives » : la Commission européenne pourra déduire les dépenses de défense, la part nationale du Pnrr, le cofinancement des projets soutenus par les fonds européens du calcul de le déficit (pour l’instant, uniquement pour la période biennale 2025-2026), et les dépenses supplémentaires résultant de la hausse des tarifs (pour la période 2025-2027). Le ministre de l’Economie Giancarlo Giorgetti a insisté pour que ces flexibilités soient plus structurelles (c’est-à-dire non liées à des facteurs temporaires comme le Pnrr ou la hausse des taux de la BCE). Mais par rapport au « non » clair lancé par l’Allemagne ces dernières semaines, il y a un progrès. De plus, par rapport à l’ancien Pacte, les règles indiquent cette fois clairement qu’en cas de pandémie ou de guerres soudaines qui plongent l’économie dans la tourmente, les pays peuvent temporairement s’écarter de la voie de la réduction du déficit. En revanche, si la dette publique ne diminue pas suffisamment, les flexibilités disparaîtront.

Les sanctions

Pour faire respecter la trajectoire de dépenses convenue, la Commission pourra engager des mesures disciplinaires, qui pourraient aboutir à des sanctions, contre un gouvernement qui dépasse ses dépenses d’un certain montant au cours d’une année donnée, ou d’un certain montant cumulé sur quatre ans. ou une période de sept ans. Les amendes seront semestrielles et égales à 0,05% du PIB (pour l’Italie, environ 1 milliard d’euros).

Les nouvelles règles devront maintenant faire face aux négociations finales. Cette semaine aura lieu un sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE, qui devrait donner une impulsion décisive dans un sens ou dans l’autre. En cas d’accord, les ministres de l’Economie et des Finances des 27 sont prêts à se réunir de manière extraordinaire avant Noël pour signer l’accord final. Le conditionnel est un incontournable non pas tant pour le Pacte lui-même que pour les autres jeux qui tournent autour de lui. Par exemple, il est désormais clair que les frugaux souhaitent que l’Italie, en échange de concessions sur le Pacte, ratifie enfin le MES, le mécanisme de stabilité européen détesté par une bonne partie du gouvernement. D’autre part, le ministre Raffaele Fitto a également abordé la question de l’augmentation du budget de l’UE, l’un des dossiers les plus brûlants du sommet de Bruxelles cette semaine : la Commission a demandé 66 milliards supplémentaires d’ici 2027 pour faire face à la guerre. en Ukraine, mais aussi pour des pactes financiers sur les migrants comme celui avec la Tunisie, si chers à notre pays.

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