À quoi ressembleront les navires du futur ? Voici comment l’ingénierie navale travaille pour atteindre l’objectif de zéro émission

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Le transport maritime revêt encore aujourd’hui une grande importance dans le monde entier. C’est précisément pour cette raison que l’ingénierie navale s’efforce constamment d’innover, à une époque où l’objectif principal est de réduire l’impact environnemental des transports.

Prenons l’exemple de Fincantieri : c’est une entreprise italienne qui compte parmi les plus grandes et les plus spécialisées au monde dans la construction de navires très complexes. Fincantieri s’est fixé un objectif : construire le premier navire à zéro émission nette d’ici 2035, avant l’objectif européen fixé pour 2050. Déjà aujourd’hui, il faut le dire, leurs navires ont atteint l’objectif de consommer environ 50 % de moins de 20 il y a quelques années, grâce, entre autres, à des systèmes capables de récupérer thermiquement jusqu’à 20 % de l’énergie contenue dans le combustible. Mais quelles frontières sont et seront testées pour atteindre l’objectif zéro émission ?

La solution électrique

Une première frontière est l’électricité. Il existe déjà de nombreux navires modernes capables de fournir de l’électricité pour les services auxiliaires, même en se connectant à des prises à terre lorsqu’ils sont au port. Beaucoup de ces navires sont en effet équipés de batteries au lithium qui entrent en fonctionnement lors des escales, évitant ainsi l’utilisation de générateurs diesel et éliminant les émissions à proximité des villes. Cependant, à l’heure actuelle, l’énergie nécessaire à la propulsion, c’est-à-dire pour faire avancer les navires, combinée aux utilités embarquées (qui dans un grand navire de croisière consomment de 20 à 70 MW) est trop élevée pour envisager de remplacer les moteurs par des piles uniquement. Ces derniers pèseraient trop, occuperaient des volumes énormes et ne seraient pas en mesure de garantir la même autonomie, sans parler des difficultés logistiques pour les recharger. Les investissements majeurs dans ce domaine ont donc été orientés vers des navires plus petits, comme les petits ferries, qui naviguent le jour et s’arrêtent la nuit pour changer les batteries, laissant ceux qui sont épuisés à terre pour se recharger.

Gaz naturel liquéfié

Une autre solution possible pour alimenter les grands navires est le GNL, ou gaz naturel liquéfié. Le GNL présente un grand avantage, celui de moins polluer que le diesel, réduisant ainsi les émissions de CO2. L’inconvénient est le pouvoir calorifique inférieur qui, associé à un système de stockage plus complexe basé sur des réservoirs cryogéniques, conduit à un plus grand espace à bord des navires et, par conséquent, à une réduction de la charge utile. Fincantieri a ouvert la voie dans ce domaine, en construisant des petits et grands navires GNL, pesant jusqu’à environ 180 000 tonnes de tonnage et capables d’accueillir jusqu’à 7 000 personnes, passagers et membres d’équipage compris.

Carburants verts

Une autre solution réside dans les carburants « verts ». Ce terme désigne les carburants de nature biologique, c’est-à-dire issus de la biomasse ou de procédés de synthèse utilisant des énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.). Fincantieri a depuis longtemps commencé à étudier de nouveaux navires dotés de systèmes énergétiques modifiés pour permettre à l’avenir le stockage, le traitement et l’utilisation à bord du biométhanol ou du diesel renouvelable (HVO).

Piles à combustible

Rares sont ceux qui ont entendu parler de la quatrième solution : nous faisons référence aux piles à combustible, alimentées par l’hydrogène. Ce sont des appareils qui génèrent de l’électricité et de la chaleur en combinant un comburant, l’oxygène, avec un combustible, l’hydrogène, naturellement décarboné. Il s’agit en effet d’une technologie qui ne produit pas de substances polluantes. Ce système est actuellement testé à bord d’un navire laboratoire d’environ 25 mètres de long, appelé Zeus, construit par Fincantieri en collaboration avec le CNR, l’ENR et les universités de Gênes, Palerme et Naples. Ce navire dispose pour l’instant d’une puissance limitée, de l’ordre de 130 kilowatts, mais son objectif est justement d’acquérir des informations sur le comportement des piles à combustible dans l’environnement réel. Un autre module expérimental, d’une puissance nominale de 100 kW, a été installé à bord du Viking Neptune, dans le but d’étudier les règles et réglementations relatives à l’utilisation de l’hydrogène dans les navires de croisière.

L’avenir vert des grands navires sera un mélange de solutions

Si l’on voulait donc faire une prédiction sur un navire du futur, on pourrait imaginer une combinaison de toutes ces solutions, intégrant les avantages en termes de puissance, d’encombrement et d’émissions de chacune d’elles. En d’autres termes, nous pourrions voir des navires hybrides, exploitant peut-être même l’énergie nucléaire de quatrième génération.

Et puis attention, on a parlé de carburants, de moteurs, mais pas d’optimisation énergétique à bord et de digitalisation. En fait, c’est aussi un aspect dans lequel les navires ont évolué : aujourd’hui, à bord des navires les plus modernes, les systèmes d’éclairage, de climatisation et de chauffage et en général tout ce qui peut être alimenté par l’électricité ont été optimisés. Des systèmes capables de recycler jusqu’à 90 % des déchets produits ont été mis en place. L’intelligence artificielle jouera également son rôle : les navires du futur seront en effet équipés de mécanismes d’auto-apprentissage, afin d’identifier tout gaspillage d’énergie dans les différents processus et rechercher la meilleure solution. L’équation est assez évidente : moins un navire a besoin d’énergie, plus sa consommation de carburant et ses émissions seront faibles.