Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán reste dans l’œil de la tempête politique européenne. Cela conduit en effet à une aggravation du conflit non seulement entre Bruxelles et Budapest, mais désormais aussi entre les différentes institutions européennes. D’un côté le Parlement européen, qui critique l’érosion de l’État de droit en Hongrie, de l’autre le Conseil et la Commission, accusés d’avoir acheté le soutien du leader est-européen sur le dossier ukrainien en dégelant les fonds européens longtemps bloqués. .
Les députés européens, réunis en séance plénière à Strasbourg, ont approuvé jeudi 18 janvier une résolution non contraignante mais hautement symbolique dans laquelle ils dénoncent une énième fois le démantèlement de la démocratie hongroise par le Premier ministre Orbán (qui se dit fièrement « antilibéral ») et son parti national-populiste, le Fidesz, avec lequel il gouverne le pays sans interruption depuis 2010. Jusqu’à présent, rien de nouveau.
Mais la véritable bombe politique risque d’exploser entre les mains de la Commission, contre laquelle l’assemblée dirigée par la Maltaise Roberta Metsola (compagne de parti d’Ursula von der Leyen elle-même) menace désormais de porter plainte pour annuler la décision de débloquer une partie des fonds européens. à destination de Budapest. Les députés ont souligné que parmi leurs prérogatives figure le pouvoir de saisir la Cour de justice de l’exécutif européen s’il ne remplit pas son rôle de « gardien des traités », dans la défense à la fois des valeurs et des intérêts financiers de l’Union. .
Au centre de la polémique se trouve ce qui s’est passé lors du dernier sommet des dirigeants des Vingt-Sept à la mi-décembre : pour éviter le veto d’Orbán (largement annoncé) sur l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine au bloc, le La Commission a accepté le décaissement d’une partie des fonds communautaires qui seraient dus à la Hongrie, mais qui sont gelés en raison d’une série de réformes du gouvernement ultra-conservateur Fidesz qui, selon Bruxelles, violent l’État de droit. Gouvernement au chantage duquel, selon l’assemblée, la présidente von der Leyen aurait succombé.
Et il y a aussi quelque chose pour le Conseil, que la Chambre européenne accuse de n’avoir jamais fait sa part pour appliquer la procédure dite de l’article 7 du Traité sur l’UE (l’un des deux traités fondamentaux de l’Union), après que le Parlement l’avait activé en 2018. La procédure prévoit que les États membres peuvent priver un de leurs pairs de leur droit de vote au Conseil, lorsqu’une violation systématique et persistante des valeurs contenues dans l’article 2 du même traité est constatée (entre autres démocratie et État de droit).
Le mois dernier, disions-nous, le feu vert est venu pour verser 10,2 milliards dans les caisses de Budapest entre le Pnrr, les fonds de cohésion et d’autres financements, au moment même où le premier ministre hongrois quittait la salle où se votaient les négociations avec Kiev (qui étaient en cours d’approbation). à l’unanimité). Selon les estimations, cela ramènerait à 20 milliards les fonds européens encore gelés pour la Hongrie.
Mais peu importe à quel point l’hémicycle de Strasbourg agite le bâton, il semblerait que la stratégie de la carotte adoptée par la Commission porte déjà ses fruits. Le Premier ministre hongrois, qui, lors du sommet de décembre, a fait échouer une révision du budget pluriannuel de l’UE qui prévoyait le déboursement de 50 milliards supplémentaires pour soutenir Kiev, a en fait déclaré que le soutien à l’Ukraine peut venir sur une base nationale, modulé chaque année en fonction des besoins.
Une ouverture à des conseils plus doux qui pourraient annoncer de nouvelles tranches de financement à Budapest ? Ce n’est pas une hypothèse à exclure. Reste maintenant à savoir si les députés européens amèneront réellement la Commission à la barre de la Cour de justice de Luxembourg, ou s’il s’agira simplement du lancement retentissant de la longue campagne électorale qui nous accompagnera d’ici juin.
La goutte qui a fait déborder le vase, c’est qu’après les élections, le guide par intérim du Conseil européen pourrait être occupé par Orbán en juillet prochain : le siège sera laissé prématurément vacant par le Belge Charles Michel, qui se présentera comme député européen, et selon les règles actuelles, il devra être occupé par le chef du gouvernement qui occupe le siège à ce moment-là semestre de présidence. C’est-à-dire le hongrois.