Nous avons écouté les chansons de Sanremo : réussi et échoué
Une console au centre du studio M2 de via Mecenate, Milan. Derrière Amadeus – à côté du DJ Massimo Alberti au mixeur – pour donner aux journalistes un aperçu des 30 chansons de Sanremo 2024. Une image décidément appropriée compte tenu de la diffusion de chansons uptempo dans cette édition. Dance, électropop, hip-hop/rap, tels sont les genres qui passeront le relais sur la scène Ariston. Le rock est largement absent. Ghali et Dargen D’Amico sont les seuls à aborder des thèmes sociaux et politiques, Fiorella Mannoia et Bigmama s’occupent des questions féminines. Pour le reste il parle d’amour, exploré avec des mélodies loin des ballades classiques. Beaucoup de rythme – et vu l’abondance des chansons, en fait, c’est nécessaire – mais le risque est la redondance. Plus que la fête de la chanson, ce sera la fête de la radio.
Réussi et échoué
A la première écoute, peu de chansons arrivent, s’imposant déjà au sommet. Ceux qui se bousculent pour le podium se comptent sur une main, tandis que les autres se disputent le milieu de tableau. Après tout, les plus jeunes, certains encore trop immatures pour une vitrine aussi importante et compétitive. Alors évidemment, tout peut arriver. Ce qui est sûr, c’est que 30 chanteurs, c’est un pari, d’autant que rétrécir un peu la liste n’aurait pas laissé de côté quelque chose de sensationnel ou d’indispensable.
Clara, reporté
Vainqueur de Sanremo Giovani, il faudra voir comment elle se comportera aux côtés des grands noms. Son « Rough Diamonds » est une pièce pleine d’énergie, même si elle présente peu d’originalité. En parlant de contaminations, le style semble être celui de Madame, mais le chemin pour y arriver est encore long. Voulait-il le vélo ? Et maintenant…
Diodato, promu
Pas d’intro, commencez simplement à chanter tout de suite. « Ti muovi » est une ballade d’amour sans infamie et sans éloge. Magnifique, mais rien d’extraordinaire. « C’est vraiment ce que tu veux, une gorgée de poison et puis » chante-t-il comme peu de gens savent le faire, mais cette fois il n’a pas les paroles – ni la musique – de « Make noise », qui reste le géant il doit désormais gérer chaque fois. Certains succès sont une arme à double tranchant. Ce sera la chanson de nombreux couples en crise, mais le podium n’est qu’un mirage.
Note : 6 et demi
Mahmood, promu
Amour, damnation et souffrance dans « Tuta gold », mais aussi un passé difficile fait de « offenses quand je les emmenais en dehors du collège » et de racisme, comme il le chante encore : « Tu as dit de retourner dans ton pays ». Un texte brut et franc qui parle parfaitement avec un son incomparable et impétueux. Son ton soul est la signature de ce petit bijou. Un joli retour.
Note : 7
Sangiovanni, reporté
Moins fanfaron et plus romantique, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il aime ça. « Finiscimi » est la chanson que nous ne l’avons jamais entendu chanter et elle semble être dans sa mélodie, mais au moment où nous arrivons au dernier couplet, il a déjà oublié. Il nous faut encore du temps pour nous implanter dans cette nouvelle forme artistique. Ni viande ni poisson.
Loredana Bertè, promue
« Crazy » est la juste rédemption après une vie de jugements reçus. Vraie, spontanée, consciente, mais surtout fière de qui elle est. Dans le texte, elle est toute seule et elle chante avec amusement, divertissement et sans manquer des refrains qui vont droit au but : « D’abord, ils te disent assez que tu es fou et ensuite, ils font de toi un saint ». Iconique.
Note : 7 et demi
Bnkr44, échec
Musique d’échantillonnage et réglage automatique. C’est bien de ne pas sortir du rang pour ne pas commettre d’erreurs, mais c’est trop. Ils n’osent même pas dans les paroles, composées de rimes assez banales comme « J’écris dans un garage, ma tête est un collage ». Leur « gouvernement punk » est en compétition pour les dernières places.
Note : 4
Alessandra Amoroso, promue
Première fois en course et il fait mouche. « Fino a qui » est l’une des chansons les plus ‘Sanremo’ de cette édition. Le grand classique avec lequel on ne peut pas se tromper, surtout cette année. Un texte introspectif, sans rabais, et une vocalité puissante qui grandit avec les émotions du refrain. Des débuts impeccables.
Note : 8
Fred De Palma, raté
Il change de vêtements et se tire une balle dans le pied. « Le ciel ne veut pas de nous » est loin des sonorités reggaeton sur lesquelles il a bâti sa solide carrière et avec lesquelles il aurait vraiment fait la différence dans cette édition, mais laisse place à un rap anonyme et peu incisif. Grosse erreur de ne pas faire le Fred De Palma « habituel ».
Note : 5
Fiorella Mannoia, promue
Bien mais pas génial. Quiconque s’attend à une suite de « Qu’elle soit bénie » – avec lequel elle a failli gagner en 2017 – sera déçu. Pas de chansons mélodiques. « Mariposa » parle des femmes et le fait avec des paroles pleines d’esprit à la De Andrè, mais la musicalité est trop raffinée et n’est pas immédiatement comprise. C’est une chanson pour connaisseurs, peut-être trop. Cela pourrait être une « Bouche de Rose » rose du nouveau millénaire, mais en restant terre à terre, cela ressemble plus à « Le Ciel d’Irlande », mais il manque quelque chose.
Note : 7
Les Kolors, promus
On danse fort. « Un garçon, une fille » est la conséquence naturelle de « Italodisco ». Ils font leur truc sans trop de prétentions, mais ils se font entendre, en attendant le prochain hit de l’été.
Note : 6 et demi
Emma, promue
Elle raccroche ses ballades de Sanremo et présente une chanson décidément loin d’elle. « Apnea » parle d’amour de manière explosive, des paroles au son, captivant immédiatement l’auditeur. La pièce est parmi les plus originales de ce Festival et Emma la porte très bien. Bien que éloigné du genre dans lequel on a l’habitude de la voir, cela lui correspond parfaitement. Courageux et réussi.
Note : 7 et demi
Saints français, promus
La faute au jeune groupe. « Love in the Mouth » mélange parfaitement sonorités mélodiques et veines plus modernes. Un morceau aux niveaux des « Bigs » plus anciens.
Note : 8
Rose Villain, promue
La plus belle voix de toutes. La chanson est également belle, qui grandit de vers en vers, passant du mélodique à la danse en quelques notes avec un grand naturel. « Cliquez boum! » c’est une chanson difficile à chanter et qui met en lumière le grand talent de cet artiste – encore peu connu du grand public – qui mérite le podium. Incroyable.
Note : 9
Negramaro, promu
Plus pop que rock, ils apportent une chanson d’amour d’une grande profondeur. La voix de Giuliano Sangiorgi est donc la bombe habituelle qui n’épargne rien ni personne. Les paroles de « Ricominciamo tutto » sont profondes, émouvantes, la mélodie puissante lui donne un avantage supplémentaire. De vrais frissons.
Note : 9
Bigmama, promue
Chanson sur laquelle danser mais avec des paroles importantes. « La colère ne te suffit pas » est un morceau électropop puissant qui fait un clin d’œil à la radio. Pratiquement déjà en tête des charts (mais à la radio).
Note : 6 et demi
Renga et Nek, promus
Deux messieurs de la musique italienne. Ensemble sur les scènes italiennes depuis plus d’un an, Sanremo est la consécration de cette importante collaboration. Toute leur expérience artistique dans une chanson d’amour – « Pazzo di te » – qui met en valeur la grande vocalité des deux. Mais au-delà des virtuosités individuelles, il n’y a rien de mémorable.
Note : 6
Ghali, promu
« Casa mia » est une chanson raffinée, dans les paroles et la musique, qui montre sur la scène Ariston les limites de la société actuelle – « tous les zombies avec un téléphone à la main » – et aussi ses grands fléaux, comme les massacres de migrants et » rêves perdus en mer ». Du talent et un engagement civique, ainsi qu’une belle chanson.
Note : 6 et demi
Irama, promu
A Sanremo, il ne fait jamais d’erreur. « Io no » est une ballade d’amour émouvante, romantique et profonde, dans laquelle explose toute sa vocalité. Un cri d’amour sincère qui devient de plus en plus puissant, entre musique et voix. « Où que tu sois », il y a deux ans, n’était qu’un avant-goût. Des frissons.
Note : 8 et demi
Angelina Mango, promue
Cela promet également bien sur la scène Ariston. « La noia » est une chanson écrite avec Madame, Durdust a également ajouté pour la musique. Et vous pouvez le sentir. La pièce est une bombe, créée par certains des noms les plus éminents du panorama musical actuel, pleine de contaminations sonores allant du latin à un son plus arabe. Mais en substance, c’est Angelina Mango qui chante Madame.
Note : 7
Geolier, raté
Les paroles en dialecte napolitain sont fascinantes, mais incompréhensibles du début à la fin, sans compter qu’il a composé d’autres belles chansons. C’est un choix discutable de la part d’Amadeus, qui souhaitait peut-être que le rappeur du moment gagne la sympathie du public adolescent et du marché du disque. « I p’ me, tu p’ te » aurait été parfait pour le Festival de Fuorigrotta, pas pour celui de Sanremo. Une opportunité gâchée.
Note : 5
Maninni, promu
Une autre surprise qui vient des membres les moins connus du casting. La chanson ne peut pas vraiment s’appeler « Spectaculaire » – comme le titre – mais c’est un beau morceau pop, sans fioritures, avec des paroles simples mais en même temps intenses.
Note : 6
La Sad, reportée
Beaucoup de bruit pour rien. La controverse sur leurs paroles sexistes se dégonfle dès la première écoute. « Autodestructeur » parle des relations toxiques et de la difficulté de vivre les relations aujourd’hui, et il le fait avec des mots et des chiffres simples, à la limite du banal. La musique n’est pas sans rappeler Articolo 31. En quête d’identité.
Gazelles, promues
Gazelle amène Gazelle. Rien de plus mais rien de moins. Son indie est incomparable et délicieux. « Tutto qui » est une chanson d’amour qui ne manque de rien, pas même de références à sa Rome du nord, où il a grandi. Pur.
Note : 7
Annalisa, promue
Il ne déçoit pas les attentes, au contraire il relance. Pas de « comptines » pour TikTok, ni de refrains de ballet simples et viraux. Annalisa apporte The Song. « Sincerely » est de la pure pop, avec des paroles qui ne sont pas du tout banales. Un morceau époustouflant, compliqué à chanter mais qu’elle dévore, comme elle dévorera sans doute aussi la scène. Parfait.
Note : 10
Alpha, reporté
Une jolie petite chanson, rien de plus. Lui aussi a un quota d’adolescents pour garder collés les adolescents qui ont chanté et dansé sur sa « Bellissimissima » cet été. Il faut qu’il soit capable d’étonner avec quelques effets spéciaux.
Il Volo, raté
Vol dans la version Valerio Scanu. Quasiment aucune trace des trois ténors, qui se sont mis à l’épreuve avec une chanson pop mélodique aux saveurs du début des années 2000. Courageux mais dénaturé. « Chef-d’œuvre » uniquement dans le titre.
Note : 5
Dargen D’Amico, promu
« Onda alta » fait chanter dès la première écoute. Rythme bouleversant sans que les paroles en soient affectées. Au contraire. Dargen D’Amico démontre une fois de plus que danse et commentaire social peuvent très bien coexister. Dans sa chanson de guerre, d’immigration, mais en même temps aussi beaucoup de rythme qui fait s’amuser. Plus unique que rare.
Note : 7
Trois, échoue
Heureusement pour cette pincée de rap bien fait après une série de couplets banals. « Fragili » est une chanson anonyme (surtout après en avoir déjà écouté 27).
Note : 4
M. Rain, a échoué
Qui sait comment il s’en sortira cette année sans la chaleureuse chorale d’enfants sur scène pour chanter avec lui. « Due swings » rappelle un élément enfantin du titre qui reflète parfaitement le contenu de la chanson. Presque enfantin. Péché.
Note : 5
Riches et pauvres, promus
Dans l’édition la plus dansante de tous les temps, ils ne pouvaient pas manquer et ne déçoivent pas, même si pour l’opération de retour il était préférable d’avoir un « Sarà parce que je t’aime » 2.0, au lieu de leur « Ma non tutto la vita » à times rappelle les vers de « Semplice » de Gianni Togni, avec un rythme syncopé qui les met à l’épreuve. Mais ils s’en remettent très bien. Une certitude.
Note : 6 et demi