Meloni et l’Europe parlent fort, mais uniquement à propos des migrants
« Nous serons jugés sur les chiffres. » La sentence, prononcée par des sources diplomatiques à la veille du sommet des chefs de gouvernement de l’UE, concerne les migrants et reflète ce qui compte désormais réellement pour l’Italie. Et pour l’Europe. Ni les méthodes d’accueil, ni le respect des droits de l’homme, ni l’engagement pris de saper les causes profondes des flux constants de millions de personnes. Juste les chiffres. Les entrées irrégulières et les concessions accordées aux demandeurs d’asile devront diminuer considérablement, tandis que les rapatriements augmenteront.
Les deux centres qui viennent d’être inaugurés en Albanie, fruits du traité entre Tirana et Rome, répondent à cet objectif. Et c’est sur ce point que Giorgia Meloni et Ursula von der Leyen sont redevenues alliées. Le fil qui lie les deux dirigeants s’est un peu dissipé cet été, lorsque la politique allemande a (du moins sur le papier) exclu l’extrême droite du gouvernement européen, lui préférant les socialistes et les libéraux dans la majorité. Une démarche intelligente qui permet au président de la Commission européenne de mener une politique de droite avec le soutien de la gauche, du centre et des écologistes.
Comment fonctionne le flirt entre Meloni et von der Leyen
La lettre dans laquelle von der Leyen fait l’éloge de l’accord entre l’Italie et l’Albanie est le manifeste d’une entente renouvelée, qui a fleuri lors de la dernière législature et a prospéré à nouveau au cours de ce deuxième mandat. Ce sont les rôles de cette cour qui restent flous. Ursula court-elle vraiment après Giorgia et demande-t-elle aux autres États membres d’imiter des politiques plus restrictives à l’égard des migrants ? Ou bien le représentant du Parti populaire européen laisse-t-il l’Italie faire le « sale boulot » et s’en attribue-t-il ensuite le mérite si le modèle albanais devait fonctionner, mais abandonne-t-il la situation (comme il le fait déjà avec une grande partie du Green Deal) si le Les hubs de Shengjin et Gjader ne devraient-ils pas fonctionner ou être contestés légalement ? Pour le moment, Rome estime avoir les reins couverts, mais seuls les faits permettront de déterminer si et comment ce projet fonctionnera.
La grande peur des urnes
Le modèle de hubs externes pour migrants souhaité par le Premier ministre est pionnier pour le reste de l’Europe et sera proposé lors du sommet du 17 octobre à Bruxelles. Tout le monde aime l’idée de « rejeter » les migrants vers des pays tiers, surtout s’il s’agit de territoires « amis » et démocratiques, sur lesquels les ONG et les militants ont peut-être moins à dire que, par exemple, la Libye et la Turquie. A Bruxelles, on parle d’une « grande convergence » des 27 sur les questions de migration et de la répression, souhaitée par les gouvernements de droite et de gauche, par les Etats du Nord et du Sud de l’Europe. Tous alignés. Pourquoi? « L’opinion publique est plus effrayée par l’arrivée catastrophique de 600 personnes par mer que par l’arrivée de 3.000 personnes de manière ordonnée et par la voie légale », disent-ils depuis Rome. Les urnes, on l’a vu, punissent le manque de capacité de contrôle et de gestion. Et aucun gouvernement ne veut désormais payer ce prix.
A quoi servent les centres pour migrants en Albanie ?
L’Italie mise sur les centres en Albanie pour deux fonctions : premièrement, empêcher l’entrée de ceux qui n’ont pas droit au statut de réfugié, deuxièmement, les exploiter pour gérer les rapatriements. Les demandeurs d’asile déboutés pourront les laisser dans les limbes albanais pendant 18 mois. Ensuite, soit ils reviennent, soit ils devront encore être transportés en Italie. Rome préfère prendre le risque. Alors, tout le monde est-il d’accord sur ces « hubs de migrants » ? Pas exactement.
Les centres de migrants en Albanie sont un gaspillage d’argent inutile (et nuisible)
Lors du sommet du Conseil européen, l’Allemagne, les Pays-Bas et certains pays nordiques souhaiteraient plus de garanties sur les « migrations internes » dans les conclusions, en soulignant les composantes qui pèsent sur les pays de première entrée. Voir sous l’Italie, l’Espagne et la Grèce et ils font pression pour une « application complète » des règles de Dublin. En substance : c’est bien de déplacer les contrôles aux frontières en dehors de l’UE, mais il ne faut pas laisser s’échapper les migrants qui parviennent à entrer. L’enjeu est la pérennité de la liberté de circulation Schengen, remise en question à plusieurs reprises.
L’UE est divisée sur tout le reste
Et la suite du sommet ? La géopolitique ne sourit pas, l’économie non plus. La Russie menace le nucléaire, Zelensky frappe constamment les capitales européennes pour lever des fonds (aide et armes), Orbán comme à son habitude fera obstacle à prêter main à Vladimir Poutine. Le Moyen-Orient est en feu, avec des mèches disséminées partout (Hamas, Hezbollah, Houthis et Gardiens de la révolution iraniens), tandis qu’Israël, en plus de perpétrer un génocide à Gaza, s’en prend même aux casques bleus de l’ONU (y compris italiens). La réponse des gouvernements européens est faible et lente, comme l’a souligné Josep Borrell, haut représentant diplomatique de l’UE. Les entreprises européennes, clairement en retard dans la transition énergétique, licencient des travailleurs et plongent les travailleurs et les marchés dans la panique. Les 27 Etats membres sont tous d’accord sur les prémisses du rapport Draghi sur la compétitivité, mais quant aux mesures à adopter, chacun reste seul dans son petit bateau. Bref, sur d’autres sujets, la « grande convergence » manque et nous croisons les doigts en attendant les résultats des élections à la Maison Blanche. Une fois de plus, les gouvernements européens ne savent que parler haut et fort avec les migrants.