L’UE ralentit sur l’accord entre ITA et Lufthansa : les routes en danger

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Il ne s’agit pas d’un échec total, mais le chemin qui mène au rachat commun de la compagnie aérienne Ita par la Lufthansa allemande et l’État italien est certainement semé d’embûches. Et cela pourrait conduire, si l’opération reçoit le feu vert, à des réductions douloureuses des liaisons entre l’Italie et l’Europe centrale et à la vente d’une partie des créneaux horaires de l’aéroport de Milan Linate. Il s’agit d’éléments centraux du cœur de métier de l’ancienne Alitalia. C’est ce qui ressort de l’évaluation préliminaire de la Commission européenne sur l’accord Ita-Lufthansa. Bruxelles estime que l’accord pourrait violer les règles de concurrence de l’UE et a donc décidé de lancer une enquête approfondie.

Selon la Commission, l’opération risque de « réduire la concurrence sur le marché des services de transport aérien de passagers sur diverses liaisons court et long courrier à destination et en provenance de l’Italie ». Il s’agit principalement de liaisons court-courriers entre l’Italie et l’Europe centrale. Ici, écrit Bruxelles dans une note, « Lufthansa et Ita sont des concurrents directs pour les liaisons sans escale, avec une concurrence limitée de la part d’autres compagnies aériennes, notamment des compagnies à bas prix, comme Ryanair, qui opèrent dans de nombreux cas à partir d’aéroports plus difficiles d’accès ». .

Il y a ensuite les liaisons long-courriers entre l’Italie d’une part et les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Inde d’autre part. Dans ce cas, ce qui compte, c’est le fait que Lufthansa ait une coentreprise avec deux grands noms comme United Airlines et Air Canada. L’ajout de vols couverts par l’ITA pourrait réduire la concurrence, grâce aux « vols directs pratiques » et aux « sites aéroportuaires facilement accessibles » sur lesquels les membres de l’alliance comptent déjà aujourd’hui.

L’une des étapes fondamentales de l’évaluation de la Commission concerne l’aéroport de Milan Linate, où Ita détient environ 60 % des créneaux aéroportuaires. La vente d’une partie de ces créneaux horaires avait déjà été demandée par des concurrents ces derniers mois, notamment par le patron de Ryanair, Michael O’Leary. Bruxelles estime que « l’opération pourrait donner naissance à une position dominante d’ITA à l’aéroport de Milan Linate, ou la renforcer, en rendant plus difficile aux concurrents la fourniture de services de transport aérien de passagers à destination et en provenance de Milan Linate ».

Les réserves exprimées par la Commission ne sont pas un coup de tonnerre. Ces derniers mois déjà, des discussions ont eu lieu entre les autorités antitrust de Bruxelles et Lufthansa. Le 8 janvier dernier, explique l’exécutif européen, le groupe allemand « a présenté une série d’engagements pour répondre à certaines des réserves préliminaires de la Commission », mais « ces engagements se sont révélés insuffisants, tant en termes de portée que d’efficacité, pour éliminer les réserves de la Commission, qui ne les a donc pas soumis à une vérification auprès des acteurs du marché ».

La Commission dispose désormais de 90 jours ouvrables, soit jusqu’au 6 juin 2024, pour adopter une décision. « L’ouverture d’une enquête approfondie ne préjuge pas de l’issue de la procédure », rappelle Bruxelles. La fusion peut se faire. Mais Lufthansa et Ita devront céder plus de parts de marché qu’elles ne semblent actuellement prêtes à sacrifier.