Les idées (très) confuses du Gouvernement sur le retour au nucléaire
Le ministre de l'Environnement et de la Sécurité énergétique, Gilberto Pichetto Fratin, revient à faire des déclarations sur le retour de l'Italie au nucléaire, certaines résolument positives, d'autres un peu déroutantes – et ce n'est pas la première fois. Le ministre s'est notamment engagé à disposer d'un cadre législatif et réglementaire pour la « réintroduction du nucléaire » d'ici la fin de la législature : si la promesse était tenue, ce serait un grand pas en avant, qui permettrait alors de tout faire avancer. le reste, et j'espère vraiment que le ministre réussira dans son objectif.
Mais ensuite le ministre s'est donné beaucoup de mal pour expliquer sur quelles technologies l'Italie devrait se concentrer, montrant qu'il avait beaucoup de confusion dans sa tête : avec ce message (que je crains que le ministre ne lise pas, mais il devrait le faire), je J'espère clarifier certains aspects cruciaux des technologies nucléaires et le rôle qu'elles peuvent jouer si nous choisissons de les réintroduire.
À quel point les recteurs de la nouvelle génération sont vraiment formidables
Les SMR (Small Modular Reactors) ne sont pas de quatrième génération : il existe des SMR qui sont des versions conceptuellement réduites de réacteurs de troisième génération et des SMR qui sont conceptuellement de quatrième génération. La première catégorie comprend entre autres le Westinghouse AP-300, le GE-Hitachi BWRX-300, le NuScale PowerModule, le French Nuward, le KHNP iSMR, etc. ; dans la deuxième catégorie, on trouve le Xe-100 de X-Energy, l'USNC-MMR d'Ultra Safe Nuclear Corp., l'AS-200 de Newcleo, le Natrium de Terrapower et bien d'autres.
La même distinction s'applique aux tailles conventionnelles : il existe des modèles de réacteurs de quatrième génération et de grande taille, comme le BN-1200 (successeur du BN-800) et le DF-1500 de Dual Fluid.
Pour être complet, ajoutons qu'à ce jour les réacteurs qui dominent le marché sont de troisième génération et de grande taille : les modèles actuellement disponibles sont VVER-1200 (Russie), AP1000 (USA), CAP1000 (Chine), Hualong One (Chine), CANDU Monark (Canada), EPR (France), APR (Corée), ABWR (USA-Japon), ESBWR (USA-Japon).
La dernière génération n'est pas forcément la meilleure
Les réacteurs de quatrième génération font des choses différentes de celles de la troisième génération : ils ne sont pas conçus pour les remplacer, mais pour travailler à leurs côtés, en faisant des choses supplémentaires. En particulier, les réacteurs hélium-graphite (appelés VHTR car ils fonctionnent à très haute température), comme les modèles X-Energy et USNC, ne sont PAS conçus pour produire de l'électricité, mais plutôt de la chaleur pour des industries difficiles à réduire. Les réacteurs à métal liquide (comme ceux de Newcleo et Terrapower) sont plutôt conçus pour fermer le cycle du combustible, qui est optimisé s'ils sont combinés avec des réacteurs à eau légère conventionnels. D'autres réacteurs encore seront adaptés à la propulsion navale (tant en Chine qu'au Danemark et en Corée, des travaux sont en cours sur des réacteurs à sels fondus à cet effet).
La phrase du ministre « Sur les petits réacteurs modulaires en Italie, il y a Newcleo, qui est l'entreprise la plus avancée, car elle travaille au plomb, alors que d'autres entreprises à l'étranger travaillent encore à l'eau » est totalement incorrecte : tout d'abord, parce que le refroidissement du plomb n'est pas « plus avancé » et aussi parce qu'à l'étranger on travaille sur le plomb, le sodium et bien d'autres choses encore.
Les SMR de type VHTR peuvent être intéressants pour les zones industrielles qui nécessitent beaucoup de chaleur (usines de céramique, papeteries, cimenteries, et à l'avenir zones de production d'hydrogène) ; les réacteurs dédiés à la production d’électricité, en revanche, nécessitent nécessairement d’être construits en collaboration avec le secteur public, car le réseau électrique est une infrastructure publique nationale.
Combien coûtent les nouveaux réacteurs
Le coût au jour le jour de 4 300 MW de réacteurs est plus élevé que le coût au jour le jour d’un seul réacteur de 1 200 MW. La raison pour laquelle, dans certains cas, on a tendance à préférer des réacteurs de plus petite taille est qu'on suppose que nous pourrons les construire plus rapidement, et donc réduire les coûts en raison de l'accumulation d'intérêts au fil du temps, mais en réalité nous nous essayons de résoudre avec l'ingénierie ce qui est un problème financier. Avec deux risques : celui de se heurter à des goulots d'étranglement, si la demande en SMR venait à croître trop rapidement par rapport aux capacités de l'industrie, et celui de perdre des bénéfices économiques si la construction était ralentie par des facteurs sans rapport avec la taille du réacteur (ex : nimbys qui ont recours au TAR).
Si, comme l'a dit le ministre, l'objectif est de couvrir 20% des besoins de l'Italie avec l'énergie nucléaire (une déclaration qui contredit la précédente, où l'énergie nucléaire était considérée uniquement comme une option pour les industries privées), il est beaucoup plus simple de construire un peu de réacteurs de grande taille et trouver des mécanismes de financement qui réduisent les taux d'intérêt, plutôt que de devoir en construire 25 à 30 de petite ou moyenne taille.
Les « petits » générateurs nucléaires déjà disponibles
S’il est vrai que la quatrième génération voit aujourd’hui peu de prototypes connectés au réseau, mais toujours aucune technologie commerciale, les SMR à eau légère sont déjà disponibles et de nombreux pays ont déjà signé des contrats de fourniture avec les entreprises qui les construisent. Ce n'est pas tout : le premier BWRX-300 est déjà en construction, au Canada. Ce que le ministre a déclaré n'est donc pas vrai, à savoir que « le produit n'est pas encore là » (ou plutôt : c'est vrai si on parle de quatrième génération, ce n'est pas vrai si on parle de SMR, et ce serait un bon moment car le ministre comprend la différence).
Nous suivrons évidemment l'évolution du cadre réglementaire nucléaire et commenterons chaque détail qui sera rendu public des propositions de réforme du secteur dans ce sens. En espérant que les techniciens qui rédigeront les règles fassent un peu moins de confusion que le ministre lorsqu'il prend la parole.
Enfin, il faut rappeler au ministre que, tout en appréciant le pas en avant dans la révision de la réglementation, le différend le plus important sur sa table reste celui du Référentiel National, sur lequel le gouvernement s'est montré totalement ouvert au caprices des NIMBY. En 2025, le combustible irradié des anciens réacteurs nucléaires italiens reviendra d'Angleterre : si d'ici là nous n'avons pas au moins décidé du site du dépôt national, les amendes de l'UE deviendront très lourdes.