La bombe atomique à Kiev et la fin de la guerre en Ukraine
La question de l’usage des armes nucléaires est revenue au centre de l’attention, provoquant une réaction émotionnelle comparable à celle d’un taureau devant le drapeau rouge dans l’arène. Les hommes politiques le savent bien, tant à Moscou qu’à Kiev, et en font un large usage instrumental.
C’est au tour de Zelensky : de nombreux médias font allusion depuis des semaines à sa menace de guerre atomique, un récit qui pourrait contribuer à influencer l’opinion publique occidentale. En réalité, Zelensky n’a pas fait de déclarations similaires : le gouvernement ukrainien a officiellement réaffirmé sa loyauté envers le traité de non-prolifération nucléaire, et il n’existe aucune preuve concrète pour contredire cette position.
Dans le même temps, des rumeurs détaillées provenant de sources ukrainiennes anonymes suggèrent que – si le soutien américain de la part du nouveau gouvernement Trump s’avère inférieur au précédent et que la perspective d’adhésion à l’OTAN est reportée sine die – la seule alternative pourrait être la création d’un force de dissuasion nucléaire.
Cette affirmation paraît particulièrement plausible, puisque Zelensky aurait déclaré que l’acquisition d’une force de dissuasion nucléaire – ou plutôt la réacquisition, sachant que l’Ukraine possédait des ogives nucléaires jusqu’en 1998, date à laquelle elle y a renoncé à la suite du Mémorandum de Budapest sous la pression américaine – représenterait la seule alternative crédible pour garantir la sécurité du pays en l’absence d’adhésion à l’OTAN.
Le contexte stratégique et diplomatique
Le problème doit être vu dans la situation stratégique et diplomatique actuelle de l’Ukraine : un traité de paix, pour le moment, est tout simplement impossible. Cela est impossible en raison des constitutions respectives de l’Ukraine et de la Russie, qui interdisent la cession de territoires souverains et qui sanctionnent en même temps le chevauchement de ces mêmes territoires (les oblasts de Sébastopol, Crimée, Louhansk, Donetsk, Zaporizhzhya et Kherson sont considérés comme les leurs par les deux pays en raison des référendums voulus par Poutine). C’est également impossible parce que le changement des frontières imposé par la force est un tabou au regard du droit international que la communauté mondiale – y compris la Chine – ne peut accepter.
Cependant, étant donné que la pression internationale pour mettre fin au conflit ne cesse de croître, la seule issue reste celle d’un armistice : une cessation des hostilités qui ne sanctionne aucun changement légal et reconnu dans la situation juridique des oblasts contestés et qui reporte la solution à le problème indéfiniment, éventuellement par des méthodes pacifiques, comme cela s’est produit avec la réunification de l’Allemagne ou avec l’occupation soviétique des pays baltes.
Dans cette perspective, le type de garanties qui seraient accordées à l’Ukraine devient central : pour accepter une solution, même temporaire, qui laisse une partie de son territoire sous occupation ennemie, il faudrait que Kiev soit sûr que l’agression ne se reproduira pas. achever l’occupation russe des oblasts contestés (encore en grande partie aux mains des Ukrainiens). Après tout, même le Mémorandum de Budapest offrait des garanties qui ont été complètement ignorées par tous les signataires (États-Unis, Royaume-Uni, France et Russie ainsi que l’Ukraine elle-même), et l’ONU, en raison de la présence de la Russie en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, est discréditée. et hors de l’image.
L’option nucléaire : entre réalité technique et stratégie politique
En fait, les pays de l’OTAN et ceux qui possèdent des armes nucléaires sont ceux qui bénéficient des plus grandes garanties contre les invasions étrangères. En fait, l’Ukraine est le seul pays qui ait jamais renoncé à sa dissuasion nucléaire et est également le seul pays, parmi ceux qui possédaient des armes nucléaires, à avoir été envahi. C’est la perception – justifiée – de Kiev.
Des deux garanties, l’adhésion à l’OTAN est certainement la préférable : elle est politiquement plus acceptable, économiquement plus pratique et objectivement plus sûre. Cependant, là où cette voie n’est pas viable, il faudrait penser à une alternative, et nous voici face à l’hypothèse du nucléaire ukrainien.
Est-ce une hypothèse techniquement crédible ?
L’Ukraine possède le même savoir-faire post-soviétique que la Russie. Même s’il n’a pas suivi les développements réalisés par la Russie au cours des vingt dernières années, il a approfondi ses contacts avec l’Occident. De plus, il dispose de ses propres centrales nucléaires et d’une base industrielle relativement avancée, certainement supérieure à celle du Pakistan, qui dispose d’une dissuasion nucléaire.
Même si la construction d’ogives avancées prendrait quelques années, l’Ukraine pourrait rapidement se doter d’armes nucléaires moins sophistiquées mais néanmoins puissantes, telles que des bombes au plutonium, basées sur les déchets des centrales nucléaires existantes. Les vecteurs – avions, missiles et drones – existent également déjà et nécessiteraient des modifications minimes.
Est-ce une hypothèse politiquement crédible ?
Politiquement, l’hypothèse est plus complexe. Cela pourrait réduire la sympathie pour l’Ukraine dans le monde occidental, où l’opinion publique est généralement hostile à la prolifération nucléaire. Cependant, l’incertitude croissante quant au soutien américain, en particulier avec l’inconnue posée par l’élection de Trump, pourrait pousser Kiev à « faire quelque chose » pour rester concentré.
L’objectif stratégique serait d’utiliser la menace nucléaire comme levier pour maintenir ouverte la voie vers l’adhésion à l’OTAN, en capitalisant sur le désir de Trump d’éviter d’être perçu comme ayant déclenché une crise nucléaire.
Est-ce une hypothèse stratégiquement crédible ?
Sur le plan militaire, l’option nucléaire présente de nombreux problèmes critiques. Premièrement, cela inviterait la Russie à une « première frappe » pour empêcher le développement d’armes. De plus, une escalade nucléaire contre un adversaire disposant d’un arsenal supérieur serait déraisonnable, car elle autoriserait une réponse russe symétrique sans aucune réaction de l’OTAN. Cela éliminerait les sympathies occidentales pour Kyiv et faciliterait les choses pour Poutine.
En fin de compte, la question de la menace nucléaire ukrainienne apparaît davantage comme un instrument de pression politique qu’une véritable stratégie militaire. Zelensky, acteur expert et grand expert de la dynamique humaine, sait ce que le public attend. Le drapeau rouge de la menace nucléaire apparaît donc comme un expédient pour maintenir vivant l’espoir d’une adhésion à l’OTAN, malgré toutes les incertitudes.