Il a gagné les élections mais ne gouvernera pas : qui est Jean-Luc Mélenchon, le leader de gauche

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

On le surnomme le leader « rebelle », il incarne plutôt un cadre de gestion de gauche contemporain quoique ancré dans les registres du siècle dernier. Jean Luc Mélenchon, fondateur de La France Insoumise, est devenu le protagoniste inattendu des élections législatives en France dans la nuit du 7 juillet, remplaçant la leader d’extrême droite beaucoup plus accréditée Marine Le Pen. Le second tour a récompensé le Nouveau Front populaire (NFP), la coalition de gauche radicale créée pour endiguer la vague du Rassemblement national, parti qui semblait destiné à prendre le pouvoir après avoir obtenu plus de 30 % des voix au premier tour.

La mission du PFN n’a été que partiellement réussie. Il a obtenu un résultat historique de 182 sièges, mais est loin de la majorité absolue nécessaire pour gouverner (289). Dans la matinée du 8 juillet, les dirigeants du Nouveau Front populaire, qui réunit LFI, socialistes, écologistes et communistes, ont promis d’indiquer d’ici une semaine le nom commun du Premier ministre qui sera proposé au président Emmanuel Macron. Le chef de l’Elysée, ayant écarté (pour l’instant) le danger Le Ben-Bardella, tentera par tous les moyens d’empêcher Jean Luc Mélenchon de devenir premier ministre, l’homme qui combat depuis près de dix ans sa politique néolibérale et qui promet d’abandonner certaines de ses réformes majeures.

Comment la gauche radicale a grandi avec Mélenchon

Mélenchon est le leader capable de faire passer sa formation de gauche radicale fondée en 2008 d’environ 10% à près de 22% lors des dernières élections présidentielles de 2022. Le fondateur de la France Insoumise est considéré comme un personnage « clivant », trop dirigiste en économie et en intention. sur l’arrachage aux riches, par une fiscalité très élevée, des ressources nécessaires pour « éradiquer la pauvreté ». Ouvertement opposé à la politique israélienne et à la guerre en Palestine, il considère le Hamas comme une organisation de résistance et non comme une organisation terroriste, d’où les accusations d’antisémitisme portées contre lui. Face au danger noir de Le Pen, Mélenchon a pris un peu de distance lors de la campagne électorale de ces législatives. A sa place à la télévision dans les affrontements verbaux avec Jordan Bardella et le Premier ministre (tout juste démissionnaire) Gabriel Attal, Manuel Bompard est apparu, en accord tacite avec les autres composantes du Nouveau Front Populaire. Toutefois, sa présence ne pouvait être ignorée.

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Lorsque les projections du 7 juillet mettent le Nouveau Front populaire en tête, Mélenchon revient sur scène avec arrogance, pour être le premier à revendiquer une victoire inattendue. La France insoumise est le parti leader au sein du NFP, avec entre 82 et 86 sièges. « Une issue impossible à prévoir », a-t-il déclaré devant des supporters rassemblés à Paris. Il s’est entouré de quelques visages plus ou moins connus de son parti, mais le véritable protagoniste était lui, l’ancien socialiste qui a décidé en 2012 de rompre avec Ségolène Royale, alors leader du Parti socialiste français, et de fonder une alternative politique de la gauche radicale, qui prit d’abord le nom de Front de gauche, puis de La France Insoumise.

Le discours de Mélenchon et la « nouvelle France »

« Le peuple a réussi à empêcher le Rassemblement national d’obtenir la majorité absolue », a rappelé Mélenchon lors de son discours du 7 juillet. « C’est un immense soulagement pour une écrasante majorité des gens de notre pays, celui qui constitue la nouvelle France et celui qui l’a toujours aimé avec une passion républicaine », a-t-il ajouté devant les caméras et ses supporters. « Ces gens se sont sentis terriblement menacés. Maintenant qu’ils sont rassurés, ils ont gagné. Avec ces scrutins, une majorité a fait un choix différent pour notre pays », a souligné l’homme politique français né à Tanger.

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La « France nouvelle », c’est l’expression que Mélenchon a utilisée à plusieurs reprises au cours de cette campagne électorale rapide et extrêmement houleuse, pour désigner toutes les personnes présentes sur le territoire français, y compris celles d’origine étrangère, nées ou élevées dans d’autres parties du globe, mais qui ont le sentiment d’adhérer aux valeurs républicaines, quelles que soient la couleur de leur peau, leur religion ou leur langue maternelle. Il incarne lui-même ce concept, étant né au Maroc et ayant du sang espagnol et italien coulant dans ses veines. Un profil finalement qui n’est pas sans rappeler celui de Jordan Bardella, le leader d’extrême droite honoré par Marine Le Pen, qui préfère cependant garder le silence sur ses origines algériennes et italiennes, préférant s’identifier à un modèle nostalgique et anti-historique des Français, qui restait collé au profil des Gaulois.

Les réformes réclamées par la gauche radicale

Le soir de sa victoire, Mélenchon a réitéré ses objectifs : la suppression de la retraite à 64 ans, la réforme la plus discutée lancée par le gouvernement sous l’égide de Macron ; le gel des prix, l’augmentation du Smic (salaire horaire minimum légal), la convocation de conférences salariales, le plan de gestion des ressources en eau et le moratoire sur les travaux importants non essentiels. La vérité est que le Nouveau Front Populaire n’a pas les sièges nécessaires pour mettre en œuvre ce programme, mais insister sert à clarifier la position et à rassurer les électeurs qui ont choisi ses députés sur le fait qu’ils s’engageront à respecter ce pour quoi ils ont voté.

À la recherche d’un premier ministre

Le leader de la gauche radicale a expressément déclaré qu’il refusait d’entamer des négociations avec le parti macroniste Ensemble !, « surtout après avoir lutté sans relâche ces sept dernières années contre sa politique de dérive sociale et d’inaction écologique ». Des mots sans miel, qui ne faciliteront pas les compromis nécessaires pour obtenir le poste de Macron. Après le vote, les voix du Nouveau Front Populaire se sont multipliées. Ceux qui défendent Mélenchon, comme Mathilde Panot (présidente de Lfi à l’Assemblée nationale), arguant qu’il n’est pas « disqualifié » pour diriger le pays. Et ceux qui mettent en avant des propositions de la société civile, comme Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes.

Personne à gauche ne veut rater l’occasion de gouverner et Mélenchon sera presque certainement sacrifié sur l’autel du compromis et de la « politique des adultes », invoquée par Raphaël Glucksmann, le fondateur du parti Place publique qui incarne un centre-gauche plus modéré. que La France insoumise et qui pourrait plaire davantage à l’Elysée. La corde transalpine reste très tendue. Les électeurs de gauche espèrent que le système ne s’effondrera pas avant d’avoir réalisé ces réformes et ce changement socio-économique au nom desquels ils se sont précipités aux urnes. Sinon, Le Pen reviendra à l’attaque la plus forte et l’énergie nécessaire pour la combattre pourrait alors s’épuiser.