Von der Leyen tend la main à Meloni : « L’Albanie est un modèle de lutte contre la migration irrégulière »

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

La lettre adressée aux dirigeants des 27 États membres est arrivée le jour où un petit groupe d’entre eux était parvenu à un accord sur meilleurs emplois, les plus hautes fonctions de l’UE. Accord signé par l’Allemagne, la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne et la Grèce, et à approuver, cou obtorto, aussi aux autres présents au sommet en cours à Bruxelles, même à celle qui est restée une fois de plus en dehors de la table des rendez-vous réservés, Giorgia Meloni. C’est pourquoi beaucoup ont vu dans la lettre une main tendue par Ursula von der Leyen au Premier ministre italien, qui a publiquement exprimé sa déception d’avoir été marginalisé dans les choix de meilleurs emplois, mais qui pourrait s’avérer déterminant au Parlement européen pour la confiance dans l’actuel président de la Commission. Le point central de la lettre est l’engagement de von der Leyen, s’il est reconfirmé, à conclure des accords avec des pays tiers pour encourager le rapatriement des migrants sur le modèle de celui initié par l’Italie et l’Albanie.

La présidente sortante a assuré aux 27 dirigeants du bloc qu’elle étudiait des solutions pour que les demandes d’asile soient gérées en dehors de l’UE. Le modèle albanais n’est pas évoqué, mais il semblait clair à tous que c’était là la référence : par rapport à l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda, celui promu par Meloni prévoit la possibilité d’envoyer des migrants irréguliers vers un pays tiers « sûr » selon les normes internationales, d’autant plus si l’on considère que Tirana a reçu le feu vert de Bruxelles pour rejoindre l’UE également sur la base de son niveau de démocratie. « De nombreux États membres explorent des stratégies innovantes pour prévenir la migration irrégulière et gérer les demandes d’asile au-delà des frontières extérieures de l’UE – a-t-il expliqué dans la lettre. Des réflexions sont en cours sur des idées qui mériteront sans aucun doute notre attention lors de notre prochain cycle institutionnel ».

Von der Leyen promet donc de suivre le chemin tracé par Meloni si elle est reconfirmée. Mais penser qu’il ne s’agit que d’un message adressé au Premier ministre italien est un euphémisme. En mai, un groupe de 15 États membres mené par le Danemark (qui a un gouvernement de centre-gauche) a appelé la Commission à adopter des « solutions innovantes » pour gérer l’immigration. Copenhague, faut-il le rappeler, avait même pensé copier Londres et signer un accord avec le Rwanda, pour ensuite faire marche arrière en raison de la polémique sur les conditions dans lesquelles se trouveraient les demandeurs d’asile dans ce pays africain.

Selon von der Leyen, sans mesures traitant de la question des rapatriements, le nouveau pacte sur la migration qui a réformé les règles dites de Dublin risque de ne pas être suffisant : le pacte « à lui seul ne garantira pas notre succès », a-t-il souligné. Si ces dernières années, Bruxelles a signé des accords avec le Liban, la Tunisie et la Mauritanie pour stopper les départs vers l’Europe, en revanche les bateaux continuent de débarquer sur les côtes de l’UE. Et les rapatriements sont entravés par une série de problèmes sous-jacents, à commencer par le fait que le droit international empêche les migrants d’être renvoyés vers des pays où leur vie est en danger. D’où la solution intermédiaire consistant à les envoyer vers des États tiers « sûrs » où leurs demandes d’asile pourront être traitées. Une manière de déplacer le problème hors des frontières de l’UE. On ne sait pas exactement ce qu’il adviendra des personnes envoyées vers un pays tiers. Mais à Bruxelles, il semble que ce soit le moindre des soucis : la question des migrants accroît le consensus de l’extrême droite presque partout et, en France et en Allemagne, elle met en danger la stabilité politique. Et avec eux celle de l’Union elle-même.