« Raffa », enfin une mini-série qui rend hommage à Raffaella Carrà
Raffa est ce qu’il fallait pour honorer Raffaella Carrà, pour rappeler à tout et à tous ce qu’elle était, ce qu’elle, Raffaella Carrà, née Raffaella Maria Roberta Pelloni, la plus grande showgirl de notre histoire, a changé dans notre pays et dans notre société. Mais ce que nous fait parfaitement comprendre cette mini-série documentaire de Daniele Lucchetti sur Disney+, c’est aussi que la définition de showgirl est réductrice, limitante, pour définir ce que cette fille a pu être dans son incroyable carrière.
Raffa : l’intrigue et les invités. De Renzo Arbore à Tiziano Ferro
Raffa était à l’origine un film de trois heures, le minimum pour tenter de couvrir la vie et la carrière de Raffaella Carrà, réalisé par un réalisateur de longue date comme Daniele Lucchetti et né en novembre de l’année dernière. Mais désormais sur Disney+, elle arrive sous la forme plus accessible d’une mini-série documentaire, un format de plus en plus populaire sur les plateformes (voir celle consacrée sur Apple TV+ à la mort de John Lennon). Le travail réalisé par Lucchetti avec Raffa est monumental et gigantesque, puisqu’en plus de plus de 15 000 vidéos d’archives sur la carrière de Carrà, la mini-série en trois épisodes nous la fait revivre à travers un flot de témoignages d’invités exceptionnels. La liste est longue : Marco Bellocchio, Renzo Arbore, Loles León, Fiorello, Giovanni Benincasa, Loretta Goggi, Barbara Boncompagni, Emanuele Crialese, Tiziano Ferro, Luca Sabatelli et bien d’autres.
Le résultat final obtenu par Raffa est le bon, le plus équilibré, excluant l’utilisation occasionnelle de quelques inserts de fiction comme on en utilise de plus en plus (honnêtement, on aurait pu s’en passer), alors qu’il nous fait revivre notre enfance, pauvre comme presque tout le monde dans l’Italie d’après-guerre, de Raffaella à Bellaria-Igea Marina, après être paradoxalement partie de la fin, de cette mort arrivée de façon inattendue en juillet 2021.
Mais qui était réellement Raffalla Carrà ?
Lucchetti ne peut répondre à cette question qu’en nous montrant comment l’art et la vie ne faisaient qu’un pour elle, la réalité sous-jacente d’un parcours fondé sur un seul mot : résilience. C’était le secret de Carrà, c’était la formule magique qui lui permettait de trouver ce chemin vers la réalisation artistique qui pendant longtemps semblait exclue par les échecs, le manque d’opportunités ou le fait d’être trop différent de la norme.
Carrà, qui a commencé à faire quelques apparitions et petits rôles lorsqu’elle était enfant, est la même qui espérait devenir une grande danseuse, jusqu’à ce qu’elle soit rejetée par une divinité comme Jia Ruskaja à 14 ans. Elle n’abandonne pas, son avenir doit être le cinéma, mais même là, elle ne réussit pas bien, elle a un visage d’enfant sur un corps de femme, elle est l’antithèse des divas rondes et sanguines que notre cinéma exporte. La rencontre avec Frank Sinatra sur le tournage de Colonel Von Ryan lui ouvre les portes d’une opportunité hollywoodienne, mais même si ce n’est pas la bonne voie, elle retourne en Italie. Personne ne croit en elle à la fin des années 70 sauf elle, qui sur le petit écran trouve la clé de l’immortalité à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales.
L’hommage à un extraordinaire révolutionnaire Raffa est et ne peut être qu’une machine à voyager dans le temps, alors qu’en suivant Carrà depuis le début, en passant par ce « Moi, Agata et toi » qui marque le début de son triomphe, on voit inévitablement comment l’Italie changeait, car elle a contribué à le rajeunir, à le moderniser, dépassant les clichés et surtout une représentation obsolète de la femme. Parce que, et c’est la vérité suprême sur Raffaella Carrà, elle a fait plus pour l’émancipation des femmes que beaucoup de lois, d’initiatives, de discours ou quoi que ce soit d’autre. C’est aussi grâce à ses chansons, à son éventail d’une branche artistique à l’autre avec une capacité unique à plaire de manière universelle. 60 millions de disques vendus, c’est la figure d’elle touchant le ciel avec le doigt, même au prix de faire crier au scandale cette partie de l’Italie qui était exaltée par ceux qui chantaient l’amour pour ne pas être saisi, alors qu’elle disait comme c’était beau devait le faire à partir de Trieste.
Les années 70 sont sa décennie, celle où, nombril au vent, elle montre que les femmes savent tenir la cour seules devant une caméra, où cette fois ce sont les hommes qui en sont les acolytes et non plus le plat principal. « Canzonissima », « Fantastico », « Bonjour Raffaella ? » ce sont les chapitres d’une aventure qui fait d’elle aussi l’ambassadrice de la télévision mondiale au sens moderne du terme, capable d’éliminer les distances linguistiques et culturelles, de sortir de l’enceinte américano-centrée.
Symbole d’émancipation et d’inclusion LGBT, quand à Rai c’était un sacrilège
Dans toute l’Europe et même au-delà de l’océan, Raffaella Carrà a été une ambassadrice italienne avec une importance et une capacité d’impact sur lesquelles Raffa apporte un éclairage nécessaire car souvent ignoré. Le tout en devenant une self-made woman, symbole très fort d’émancipation et d’indépendance. Plus important encore, et ce que Raffa nous rappelle, Raffaella Carrà a osé inclure la communauté LGBTQ+ à une époque où, notamment dans le service public (mais aussi sur Mediaset), cela était considéré comme un sacrilège, voire une erreur. Bien structurée, avec des connexions diverses et des témoignages de grand impact, Raffa est une mini-série qui sait s’arrêter un pas avant de perdre l’équilibre, tout en restant parfaitement conscient de l’importance de retrouver la centralité de cette femme, artiste à 360°, dont l’exemple dans Aujourd’hui, aucun de ses collègues ne sait et ne veut comprendre la réalité. Trop difficile, trop exigeant, mieux vaut suivre la vague plutôt que de faire ce qu’elle a fait, qui les a créés et anticipés.
Note : 8