Les paris de Giorgia Meloni pour éviter d’être seule : Trump aux USA et Le Pen en France
C’est comme un aimant. Une étoile polaire qu’elle a incorporée dans son âme de femme entièrement politique, qui appartient intégralement à son camp politique depuis son adolescence. Au milieu des tempêtes, alors que la marée des élites internationales et nationales voudrait qu’elle fasse le dernier et définitif pas vers le refuge d’un conservatisme pleinement institutionnel, Giorgia Meloni s’écarte et s’assoit du côté opposé. Il l’a fait en conduisant sa majorité parlementaire italienne à voter non à la réforme du MES en décembre dernier. Il l’a fait surtout la semaine dernière en opposant son grand groupe parlementaire européen à la deuxième Commission présidée par Ursula von der Layen, en dehors d’un périmètre majoritaire qui a serré les rangs et réuni des âmes très différentes. La Première ministre s’est dite contre sur le fond et sur la méthode, elle a qualifié de décisif le fait qu’il y ait aussi les Verts, dans la majorité. Le fait que, malgré ce que vous croyiez et annonciez, la Commission von der Layen n’avait pas besoin de vos votes pour exister comptait certainement. Mais il faut croire que, quelque part, cette décision a déjà été prise, à l’origine : d’une part parce qu’elle ressemble à l’anthropologie des origines, et d’autre part parce que le pari politique du président porte fortement sur l’usure de cette Europe, tant au niveau de l’opinion publique opinion et en matière de relations internationales.
Trump et ce qui nous attend : Chine, Russie, commerce
Les semaines que nous laissons derrière nous et celles qui commencent sont d’ailleurs toutes éclairées par l’événement politique par excellence et ses répercussions à long terme et à large spectre. Parlons du renoncement inévitable et tardif à la renomination du président sortant Joe Biden. Sauf retournements de situation historiques sur lesquels personne ne parierait aujourd’hui, il semble être le préquel d’un film qui semblait de toute façon évident, et qui a pour sujet la deuxième présidence américaine de Donald Trump. Un événement destiné à changer considérablement la direction mondiale sur de nombreuses questions. De la maîtrise des effets néfastes de la crise environnementale à la guerre en Russie et en Ukraine, du fonctionnement et de l’activité de l’OTAN à la question du Moyen-Orient, jusqu’aux guerres – espérons-le uniquement commerciales – que l’Europe et les États-Unis mènent contre la Chine. : toutes les questions abordées par Trump seront traitées d’une manière résolument différente, caractérisée plus explicitement par l’isolationnisme et l’intérêt exclusivement américain. Un scénario dans lequel le rôle de l’Europe risque également raisonnablement d’être modifié et qui pourrait pousser les institutions européennes à la croisée des chemins : soit faire un véritable saut qualitatif sur la voie de l’intégration également en matière de politique étrangère, soit faire exploser sa propre politique intérieure contradictions en prouvant les prophéties non désintéressées de la droite eurosceptique. C’est probablement ce deuxième pari qui a le plus convaincu Giorgia Meloni. Qui craignait certes la canonnade interne de Matteo Salvini, mais qui croit surtout en un monde nouveau qui ressemble à l’ancien, dans lequel on puisse affirmer sa distance par rapport aux salles de contrôle de Bruxelles sur les tables de Washington. En espérant demain être moins seul et pouvoir compter – peut-être – sur la compagnie de Le Pen, qui ambitionne de diriger le pays européen le plus important lors de cette législature européenne.
Meloni pourra-t-il élever la voix sur l’immigration ?
Toujours tourné vers l’avenir et scrutant la boule de cristal du consensus populaire, Meloni a probablement imaginé que s’asseoir à la table de ceux qui constituent la majorité en Europe sans pouvoir réellement influencer les politiques qui se déroulent d’en haut jusqu’en bas était un risque. plutôt qu’une opportunité. Elle se serait retrouvée incapable de blâmer qui que ce soit lorsque de nouvelles contraintes environnementales auraient été approuvées, affectant la mobilité et l’industrie des citoyens européens et italiens. Tout le refinancement à venir du soutien à Kiev contre Poutine ne parvient pas à évoluer de manière critique et cohérente, ce qui est perçu par la population italienne et son électorat en particulier comme une obstination thérapeutique coûteuse. Ne pas pouvoir se déclarer responsable des victimes alors que les nouveaux mécanismes de stabilité obligent – et ce sera très bientôt – à resserrer encore les cordons de la bourse. De ne pas pouvoir vraiment élever la voix alors que, sur l’immigration, nous continuons à parler d’une manière et à agir d’une autre. Rejetée avec des pertes et renvoyée dans le coin des extrémistes eurosceptiques, Meloni a su faire de la vertu une nécessité, en jouant un rôle qui lui convient, c’est-à-dire représenter l’opposition.
Pour la majorité des analystes libéraux et progressistes italiens, il a commis une erreur et a finalement succombé à son immaturité politique. Elle a également démenti les conseils qu’elle semblait elle-même approuver et qui émanaient d’intellectuels et de journalistes de son secteur politique, qui recommandaient de se placer dans la majorité comme Silvio Berlusconi l’avait toujours fait en Europe. Elle, frappée par la convention ad exclundum, a fait de la vertu une nécessité et s’est mise de l’autre côté. Il faudra attendre quelques années pour que les résultats de son pari soient pleinement visibles. Il faudra voir réellement monter la deuxième étoile de Trump, peser ses impacts, comprendre les effets de ce nouveau projet sur l’opinion publique et voir si l’Italie de Giorgia lui donnera raison ou tort. Et enfin – ou plutôt : tout d’abord – mesurer à quel point intérêt partisan et intérêt national coïncident. Les trois années de législature que nous devrions avoir devant nous seront aussi le terrain de jeu de ces paris et des réponses à ces questions. Ceux qui ne se couchent pas doublent presque toujours.