De nos jours, les choses ne s’annoncent pas bien en matière d’égalité des sexes en Europe. Avec les élections de juin dernier, le Parlement européen a reculé de dix ans en termes de représentation féminine, et les nominations à la Commission ne montrent pas non plus une tendance encourageante. Ceci malgré le fait que plusieurs des postes les plus élevés au sein des institutions sont occupés par des représentantes féminines.
Sur les 719 députés officiellement installés à Strasbourg, seuls 277 sont des femmes. Cela représente 38,5% du total, soit deux points et demi de moins que la dernière législature (la neuvième), qui comptait à son ouverture en 2019 41 femmes pour 100 élus. C’est la première fois depuis le vote aux élections européennes (1979) que ce chiffre diminue plutôt qu’augmente : pour la première fois, les femmes parlementaires à la Chambre représentaient 16% du total et ce pourcentage a continué à augmenter jusqu’aux élections de juin dernier. Le chiffre le plus proche des 38,5 % actuels est celui de 2014, lorsque, lors de la huitième législature, 37 % des membres de l’hémicycle étaient des femmes.
Comment se portent les groupes parlementaires ?
Telle est la situation au niveau global. La composition des différents groupes politiques, en termes de présence féminine au sein de leur personnel, est restée pratiquement inchangée par rapport à la législature précédente. À la seule exception du Parti Conservateur et Réformiste (Ecr), auquel appartiennent les députés des Frères d’Italie et du PiS polonais : il y a cinq ans, il accueillait 30,5% de femmes dans ses rangs, alors qu’aujourd’hui cette part a été réduite à 21,8 %.
Pour les autres groupes, la différence entre 2019 et 2024 est négligeable, et même l’ordre relatif (de celui qui compte le moins de femmes à celui qui compte le plus de femmes en pourcentage) est resté le même. L’ECR se confirme comme le groupe où les femmes parlementaires sont les moins représentées, suivies par les non-membres, de l’Europe des nations souveraines (ESN, le nouveau groupe créé par l’AfD, compte 32% de femmes parmi ses membres). Immédiatement après, on retrouve les deux autres formations de droite, à savoir les Démocrates-Chrétiens du Parti populaire (PPE) et l’extrême droite (d’abord Identité et Démocratie, désormais Patriotes pour l’Europe) : les premières restent à un peu moins de 37%, les secondes à près de 41%, au-dessus de la moyenne de la Chambre. Enfin, les groupes allant du centre (Renew) à la gauche radicale (La Gauche) sont tous au-dessus de la moyenne, les Verts (Verts/Efa) se plaçant « premiers » dans ce classement avec 51,11 % en 2019 et 50,9 % en 2024.
Selon plusieurs observateurs, cette évolution est inquiétante car elle confirmerait l’hostilité d’une bonne partie des forces politiques de droite (notamment les radicales) envers l’égalité des sexes et les droits des femmes. La réponse qui arrive rapidement de cette partie de l’échiquier politique concerne normalement des questions de méritocratie présumée : on ne regarde pas le sexe des candidats mais la solidité de leur profil, ou d’autres variations sur le thème. En réalité, soulignent les critiques, le problème se situe encore plus en amont : dans la sélection du personnel, dans les barrières à l’accès, dans la culture politique qui (dés)incite les femmes à entreprendre une démarche de représentation, et bien d’autres choses encore.
En tout cas, ce n’est certainement pas une réalité inconnue du Parlement européen. Surtout lorsqu’il s’agit de postes de pouvoir. De 1979 à aujourd’hui, la présidence de la Chambre elle-même a été occupée par seulement trois femmes – dont l’une, l’actuelle présidente Roberta Metsola, a obtenu deux mandats consécutifs.
La Chambre commande
Et les choses ne vont pas mieux dans les secrétariats des commissions parlementaires : dans la dixième législature, il n’y a que neuf femmes présidentes sur 24, soit 37,5% du total. Selon les données compilées par le journal Politiquelors de la dernière législature, il était plus courant que les femmes parlementaires obtiennent des postes de premier plan dans des domaines tels que l’égalité des sexes, l’emploi et les affaires sociales, tandis que les hommes avaient une sorte de monopole sur des questions telles que les affaires étrangères, les affaires constitutionnelles, la sécurité et le budget.
Une tentative de résoudre le problème en modifiant le règlement intérieur de la Chambre a été faite en novembre dernier. Une idée était d’introduire une contrainte pour garantir que la composition des commissions en termes de genre reflète celle de la chambre dans son ensemble. Mais, du moins pour l’instant, les quotas de femmes n’ont pas été formellement introduits à la Chambre européenne. Et cela se voit : dans 13 des 24 commissions de Strasbourg (sous-commissions comprises), le pourcentage de femmes est inférieur à la moyenne du Parlement, dans six il est égal ou inférieur à 20% et dans une (Affaires constitutionnelles) il est même bloqué. à 13%. Toujours dans cette législature, les commissions avec la plus grande présence de députés européens sont celle des droits des femmes et de l’égalité des genres (Femm, près de 90%), de la culture (63,3%) et des affaires sociales (près de 57%).
Selon les mots de l’eurodéputée socialiste espagnole Lina Gálvez (nouvellement élue présidente du Femm), « la ségrégation existe effectivement » entre députés hommes et femmes. D’autant plus que, pour faciliter des accords politiques délicats entre les forces qui soutiennent la majorité « Ursula 2.0 », les règles interdisant de remplir les secrétariats des commissions de représentants du même sexe ont été suspendues. Pourtant, affirme Gálvez, si même dans la commission la plus « ségréguée » (c’est-à-dire sa Femm, où sur 39 membres seuls quatre sont des hommes), il était possible d’élire un bureau mixte, il devrait y avoir de l’espoir pour tous les autres aussi.
Le match de la Commission européenne
Du côté de l’exécutif communautaire, la présidente fraîchement réélue Ursula von der Leyen (qui a brisé en 2019 le plafond de verre du Berlaymont) aura également du pain sur la planche pour tenir sa promesse de monter un autre Collège respectueux des équilibres. de genre. La première Commission von der Leyen était composée de 13 femmes et 14 hommes, un record d’égalité (au moins nominalement) dans l’histoire de l’institution. Mais former l’équipe pour son deuxième mandat pourrait nécessiter davantage d’efforts pour maintenir une parité substantielle tout en satisfaisant les Vingt-Sept.
De son côté, la présidente dans le pectoral elle a demandé aux gouvernements du bloc de lui transmettre d’ici fin août les noms des candidats à la prochaine Commission. Ceux qui ne renouvelleront pas les commissaires sortants devront fournir le nom d’une femme et celui d’un homme pour la loge de leur pays.
Ainsi, étant donné qu’il y aura une certaine concurrence pour s’emparer des délégations et des portefeuilles les plus lourds, cette demande devrait en théorie profiter aux chancelleries qui se concentreront sur les profils féminins. Ce devrait être le cas de Madrid, qui a déjà annoncé vouloir se concentrer sur la patronne de la Transition écologique, Teresa Ribera, mais aussi de Stockholm et Helsinki, qui proposeront Jessika Roswall (ministre des Affaires européennes) et Henna Virkkunen ( député européen du troisième mandat) respectivement .
Une autre femme techniquement déjà blindée dans le prochain exécutif européen, outre le président, devrait être l’Estonienne Kaja Kallas, qui a été désignée par les dirigeants des États membres comme la prochaine haute représentante. Parmi les personnes reconfirmées, pour l’instant, la seule femme est la Croate Dubravka Suica, qui, lors de la première Commission von der Leyen, avait le portefeuille de la Démocratie et de la Démographie. A ses côtés, cinq hommes se présentent en rappel à Bruxelles : le Letton Valdis Dombrovskis (ancien chef de l’Economie), le Slovaque Maros Sefcovic (commissaire sortant aux Relations interinstitutionnelles), le Néerlandais Wopke Hoekstra (qui avait la responsabilité de le Climat ), le Hongrois Olivér Várhelyi (qui a présidé l’Élargissement) et le Français Thierry Breton (qui a géré le Marché intérieur).