Le Brésil élève un mur aux voitures électriques européennes : le « chantage » des vaches

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Si vous voulez vendre davantage de voitures électriques au Brésil, vous devez nous permettre d’élever des vaches sur des terres déboisées. Cela semble brutal, mais en résumé, le message envoyé par le gouvernement brésilien à l’Union européenne serait le suivant. Ce pays d’Amérique latine, avec l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, négocie depuis plus de deux décennies avec Bruxelles pour conclure le Mercosur, un accord commercial considéré comme d’une importance vitale pour les 27 du bloc européen.

À la mi-septembre, le gouvernement brésilien avait déjà demandé dans une lettre à l’UE de suspendre la loi sur la déforestation. Aujourd’hui, le message se renforce, mettant à mal l’un des points clés du traité : la possibilité pour les constructeurs automobiles européens de vendre leurs véhicules. . sans droits de douane dans les quatre États latino-américains impliqués dans l’accord. Il s’agit là d’un autre élément d’un jeu de tiraillements désormais sans fin dans lequel chaque partie craint « l’invasion » des produits de l’autre continent, mais en même temps est impatiente de renforcer les exportations de ses produits clés.

Les obstacles du Brésil aux voitures électriques européennes

La zone de libre-échange du Mercosur, qui couvrirait environ 800 millions de personnes, se heurte à un autre obstacle à sa conclusion. Selon les révélations fournies par des diplomates au portail Politiquele Brésil doit limiter les importations de voitures électriques pour éviter une invasion à grande échelle, tandis que l’Union européenne insiste sur le fait que les importations de bœuf proviennent uniquement de vaches qui n’ont pas été élevées sur des terres déboisées. En amont du G20 qui se tiendra à Rio de Janeiro, le Brésil mène les négociations du Mercosur et réclame des mesures de sauvegarde pour garantir que les importations de véhicules électriques ne dépassent pas un certain seuil. Une démarche similaire à celle adoptée par Bruxelles pour se défendre de l’invasion des voitures électriques chinoises et protéger l’industrie automobile européenne.

Le Brésil veut développer ses propres voitures électriques

Face à l’augmentation des droits de douane imposés par l’UE, les États-Unis et le Canada, Pékin s’intéresse avec intérêt aux marchés alternatifs comme le Brésil, le Mexique et le Maroc. Le pays sud-américain, riche en ressources minérales indispensables à la transition vers l’électrique, ambitionne désormais d’orienter son industrie automobile vers l’électrique, pour s’affranchir du joug des importations. Un travail lent et progressif, mais que Lula ambitionne d’entamer avec des droits d’importation qui augmentent progressivement et qui devraient atteindre 35% en 2026. Le Mercosur dans sa version actuelle briserait le mur que Brasilia tente de créer autour de son secteur automobile.

Matières premières critiques concentrées en Amérique latine

L’Amérique latine est tentante pour les industries européennes, grâce à la richesse et à la variété de matières premières critiques, que ces pays voudraient désormais exploiter de manière plus indépendante. Le Brésil, par exemple, est riche en niobium, un métal utilisé pour renforcer l’acier. Elle possède également des gisements de nickel, de graphite et de terres rares. Sur le continent latino-américain se trouve également l’un des gisements de lithium les plus importants, partagé entre l’Argentine, la Bolivie (membres du Mercorsur) et le Chili, avec lequel Bruxelles a signé un accord commercial spécifique.

Du Brésil à l’Allemagne en passant par le café italien : tous contre la loi européenne pour sauver les forêts

Les trois pays détiennent ensemble plus de la moitié des réserves du métal précieux indispensable aux voitures électriques. Lorsque le Brésil a demandé la semaine dernière une suspension de la réglementation européenne sur la déforestation, le chancelier allemand Olaf Scholz n’a pas tardé à demander un report. L’Allemagne a compris que sous cette demande se trouvait le problème des exportations de voitures électriques, un élément crucial pour Berlin compte tenu de la profonde crise que traverse le géant Volkswagen.

Le « chantage » des vaches

Le règlement prévoit l’arrêt des importations sur le marché européen d’une série de produits issus de la déforestation. Dans la ligne de mire se trouve le pâturage extensif brésilien qui a provoqué la déforestation de grandes parties de la forêt amazonienne. Un phénomène qui ne montre aucun signe de ralentissement. La décision de Bruxelles visait à contribuer à freiner le massacre de l’Amazonie, mais elle rencontre de nombreuses résistances. Après un quart de siècle de négociations, toutes les parties veulent conclure l’accord du Mercosur. Lula aimerait dépenser cette carte d’ici le G20 prévu à Rio en novembre, tandis que pour Von der Leyen ce serait une victoire de commencer son deuxième mandat du bon pied. Il est donc fort probable que Bruxelles mette de côté ses ambitions écologistes pour réussir et exporter ses véhicules électriques à l’étranger.