Comment les décisions sont prises dans l'Union européenne

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Le processus législatif de l’Union européenne est assez complexe et généralement assez lent. La première chose à garder à l’esprit est que, contrairement aux institutions nationales auxquelles nous sommes habitués, dans l’UE, le pouvoir d’initiative législative appartient uniquement à l’exécutif. Cela signifie que seule la Commission a le pouvoir de proposer des lois, pouvoir que ni les députés du Parlement européen ni le Conseil de l’UE (qui représente les gouvernements des vingt-sept pays membres) n’ont. Cependant, les trois institutions partagent le pouvoir législatif. Voyons comment.

Directives et règlements

Tout d’abord, les lois européennes ne sont pas des « lois », même si ce mot est souvent utilisé pour simplifier, mais ce sont des directives ou des règlements. La directive est une disposition qui fixe un objectif, mais laisse une marge de manœuvre aux États sur la manière de l’appliquer. Par exemple, vous pouvez demander de réduire les émissions industrielles d’un montant Le règlement s’apparente toutefois davantage à une loi, dans le sens où une fois approuvé, il doit être transposé tel quel dans la législation nationale. Mais comment les directives et règlements sont-ils approuvés ?

Amendements

Comme nous le disions, le pouvoir de les proposer appartient à la Commission, mais le Parlement et le Conseil de l’UE doivent non seulement les approuver, mais peuvent également les modifier. Et voici le premier problème. Lorsqu’une directive est proposée, les deux autres institutions la modifient à leur guise. Les députés peuvent proposer tous les amendements qu’ils souhaitent, et ceux-ci doivent ensuite être approuvés d’abord en commissions parlementaires puis définitivement en séance plénière, celle qui réunit tous les députés à Strasbourg. Mais en même temps, le Conseil propose également ses modifications et approuve sa version finale de la directive. Mais les deux directives approuvées par le Parlement d’une part et par le Conseil de l’UE d’autre part sont différentes. Alors que faisons-nous?

Le trilogue

C’est à ce moment qu’entre en jeu ce qu’on appelle le Trilogue (qui donne également son nom à notre rubrique), un organe informel dans lequel, avec la médiation de la Commission, du Parlement et du Conseil, on tente de trouver un accord sur une directive qui soit une synthèse entre leurs deux versions de la mesure. Les Etats et les députés doivent donner quelque chose (même si ce sont souvent les députés qui doivent donner un peu plus), jusqu’à ce qu’ils trouvent un terrain d’entente. À ce stade, l’accord est annoncé et quel devrait être le texte officiel, qui devra ensuite revenir au Conseil et au Parlement pour approbation finale. Mais comme il ne s’agit que d’un « gentlemen’s Agreement » et que le Trilogue n’est pas un organe officiel mais seulement un forum informel destiné à faciliter le processus législatif, les deux institutions peuvent trahir cet accord et modifier la directive après s’être à nouveau serré la main.

Dans ce cas, on se retrouve évidemment dans une impasse et le Parlement et le Conseil doivent reprendre le trilogue pour tenter de trouver un nouvel accord. Cela s’est produit récemment, par exemple, avec la directive dite Rider, qui a établi les droits des travailleurs économie des petits boulots, comme ceux d’Uber Eats, Deliveroo etc. Après l’accord, la France a insisté pour supprimer certaines parties du texte qui n’aimaient pas Paris, notamment les définitions jugées trop strictes pour définir quand un travailleur est salarié ou indépendant, dont la France craignait qu’elles ne conduisent à toute une série d’embauches. Finalement, le point a été édulcoré et le nouveau texte a obtenu l’approbation finale des deux institutions.

Cet article et ces vidéos font partie de la rubrique « Europedia : le Trilogue et autres mystères de l’Union », réalisée en partenariat média avec Rai Radio 2, dans le cadre de l’émission Caterpillar, animée par Massimo Cirri et Sara Zambotti.