Comment le Parlement européen veut réformer les traités européens

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Les députés affirment qu’il s’agit de respecter les demandes des citoyens. Les États membres rétorquent que Strasbourg fait avancer son agenda en fonction de la volonté populaire. Comme d’habitude, il y a une part de vérité des deux côtés. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que le Parlement européen a officiellement demandé au Conseil de lancer le processus de réforme des traités communautaires.

Il était une fois Lisbonne

Lors de la plénière de novembre, après un débat houleux, les membres de l’Assemblée européenne ont adopté à une poignée de voix une résolution ordonnant aux chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept d’entamer la révision des traités sur lesquels l’Union est fondée. La dernière fois que cette question a été abordée, c’était en 2007, le cataclysme financier qui est entré plus tard dans l’histoire alors que la « Grande Récession » n’avait pas encore éclaté et que l’élargissement vers l’Est, le plus important jamais réalisé, venait de se conclure, ce qui avait amené 10 nouveaux membres au sein de l’Union européenne. Club européen. Il y avait encore le Royaume-Uni, pas encore la Croatie. Une autre ère géologique, pour l’histoire continentale.

En décembre 2007, a été signé le Traité de Lisbonne, entré en vigueur deux ans plus tard et qui est en réalité composé de deux documents fondamentaux : le Traité sur l’Union européenne (TUE) et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). . . Ces textes ont rassemblé les morceaux de l’échec retentissant de la Constitution européenne, c’est-à-dire de la fin de cette « ivresse européiste », comme quelqu’un l’a définie, qui a sombré suite au « Non » aux référendums français et néerlandais de 2005. Grâce à une série de crises qui ont continuellement frappé l’Europe, plus personne n’a parlé sérieusement de réformes organiques de l’architecture communautaire.

Demandes des députés : plus de pouvoirs pour nous

Du moins jusqu’à maintenant. En effet, s’appuyant sur les résultats de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (Cofoe), une initiative gigantesque de démocratie délibérative à laquelle Bruxelles a voulu impliquer directement plusieurs centaines de citoyens européens, le Parlement a repris ses fonctions et propose à nouveau plusieurs sa bataille. Comme toujours, les députés demandent un rôle plus central pour l’institution dont ils font partie, qu’ils considèrent comme la seule véritablement légitime d’un point de vue électoral. Parmi les demandes les plus marquantes figurent la reconnaissance du plein droit d’initiative législative de la Chambre européenne (à l’heure actuelle, ce pouvoir est exclusivement entre les mains de la Commission), le rôle de colégislateur en ce qui concerne le budget pluriannuel de l’UE (le Parlement peut désormais seulement approuver ou rejeter les propositions budgétaires, mais n’intervient pas dans leur définition) et la possibilité de nommer le président de la Commission, en suivant de plus près les systèmes parlementaires nationaux dans lesquels l’exécutif est choisi par le législatif (choisant aujourd’hui le chef du le Berlaymont est le Conseil européen, tandis que le Parlement ne peut que l’approuver ou le rejeter).

Par ailleurs, Strasbourg souhaite que des compétences accrues soient attribuées à l’Union dans les domaines de l’environnement, de la santé publique, de l’industrie et de l’éducation. Entre voulu de l’assemblée, il y a aussi l’introduction de référendums paneuropéens et la transition vers un système décisionnel plus « bicaméral » (dans lequel le Parlement et le Conseil, les co-législateurs, augmentent leurs synergies). Un dernier point important est la demande d’étendre le nombre de questions sur lesquelles les Etats membres décident à la majorité qualifiée au sein du Conseil, réduisant ainsi à l’essentiel les dossiers pour lesquels l’unanimité est requise. Cela permettrait d’accélérer les procédures de prise de décision, en évitant les veto croisés des gouvernements qui finissent souvent par bloquer des décisions importantes qui devraient être prises rapidement (comme dans le cas de la politique étrangère).

Or, il est clair qu’augmenter les prérogatives du Parlement signifie réduire celles des États membres, on peut donc s’attendre à ce que le débat s’intensifie dans les mois à venir. D’ailleurs, déjà lors de la publication des résultats de la Cofoe en mai 2022, près de la moitié des gouvernements des Vingt-Sept avaient clairement fait savoir que la réforme des traités n’était pas la priorité. La guerre en Ukraine avait récemment éclaté et la refonte de l’architecture communautaire était le moindre des problèmes. Et on a reproché à la Chambre une bonne dose d’opportunisme politique, pour lequel elle aurait masqué ses objectifs stratégiques sous l’écran de fumée de la « volonté populaire », brandissant les propositions issues de la Cofoe comme justification d’une réforme fédérale de l’UE.

La réforme des traités

Mais comment les traités communautaires évoluent-ils ? Il existe diverses possibilités, mais celle sur laquelle se concentre la Chambre européenne est la procédure dite ordinaire, qui est régie par l’article 48 du TUE. De cette manière, le Parlement peut faire des propositions de réforme et les soumettre au Conseil, ce qui est précisément là où nous nous trouvons actuellement. Il appartient désormais à la présidence espagnole du Conseil de transmettre les propositions au Conseil européen de la mi-décembre, où les dirigeants des Vingt-Sept devraient en discuter et éventuellement convoquer la convention intergouvernementale pour la révision des traités. C’est ici que sera négocié le texte final, c’est-à-dire un nouveau traité qui, une fois ratifié par tous les États membres, remplacera ceux en vigueur aujourd’hui.

S’il est vrai que la décision de convoquer une convention doit être prise à la majorité simple, il est clair que les gouvernements nationaux n’ont aucun intérêt à se lancer dans un processus aussi complexe et aux résultats incertains s’ils ne sont pas sûrs que tout le monde (ou presque) soit d’accord. en s’engageant sur la voie des réformes. Cependant, ces derniers temps, les chancelleries de France, d’Allemagne et d’Espagne (ainsi que l’Italie de Mario Draghi) ont souligné à plusieurs reprises la nécessité de repenser les règles qui régissent le fonctionnement de la maison commune européenne, et ce, avant d’élargir l’Union avec les nouveaux membres qui frappent à la porte depuis un certain temps (Ukraine, Moldavie, Géorgie et plusieurs pays des Balkans occidentaux).

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