Ainsi la police pourra lire nos messages Whatsapp (grâce à l’intelligence artificielle)

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Chatcontrol peut attendre, pour le moment. Les ministres des 27 États membres ont une nouvelle fois reporté la loi européenne controversée, qui oblige les systèmes de messagerie les plus populaires comme Whatsapp à introduire une analyse automatique obligatoire des messages pour identifier tout matériel pédopornographique. Cette analyse s’appuie sur l’intelligence artificielle, qui envoie ensuite les rapports aux autorités judiciaires des différents pays de l’UE. Pour les détracteurs de la loi, il s’agit d’un outil de surveillance de masse très dangereux. D’où les divisions entre les Etats membres : l’Italie est pour, la France est dans le doute, l’Allemagne est contre. Et la place, à ce jour, est encore loin.

À une date ultérieure

Jeudi 20 juin, le large front opposé à Chatcontrol a célébré un nouveau report des gouvernements nationaux. La présidence belge du Conseil de l’UE avait tenté de forcer la main en mettant le vote de la loi à l’ordre du jour. Mais compte tenu des désaccords politiques et des pressions exercées par les défenseurs de la vie privée, le vote a été reporté à une date ultérieure.

C’est le deuxième report de cette discussion en deux jours, mais selon un diplomate européen contacté par le site néerlandais Hln, « cela reste une priorité importante » pour l’UE. Pour le moment, une nouvelle date à laquelle cette discussion reprendra n’a pas été communiquée. Mais il est probable, à ce stade, que la présidence hongroise s’en chargera, qui prendra le relais de la Belgique à la tête du Conseil le 1er juillet.

Le règlement « Chatcontrol »

Proposée en 2022 par la commissaire suédoise aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, le nom officiel de la mesure serait le Child Sexual Abuse Règlement (Csar en anglais), mais elle a été rebaptisée par les politiques et les médias « Chatcontrol règlement ».

Le point le plus controversé du texte concerne l’analyse systématique grâce à l’intelligence artificielle des messages échangés entre utilisateurs numériques à la recherche de contenus documentant des abus sexuels sur mineurs ou la diffusion de pédopornographie. Autrement dit, il s’agirait de « casser » le cryptage de bout en bout qui garantit depuis des années la sécurité des données et des conversations des utilisateurs des plateformes de messagerie instantanée (telles que Whatsapp, Signal, Messenger, etc.).

Selon les détracteurs de la loi, un front varié comprenant des partis politiques nationaux, des députés européens, des associations sectorielles et divers experts du numérique, il existe des problèmes critiques majeurs dans le nouveau cadre réglementaire, qui sacrifierait la vie privée et la sécurité des utilisateurs sans même obtenir les résultats escomptés. en termes de lutte contre la criminalité. La technologie sur laquelle repose le règlement Chatcontrol serait en effet « peu fiable », c’est-à-dire qu’elle ne garantirait pas la détection de tous les contenus illégaux mais, au contraire, pourrait conduire à des accusations injustes envers les utilisateurs. En outre, cette disposition affaiblirait la garantie de sécurité offerte par le chiffrement de bout en bout, ouvrant la porte à une montagne de données sensibles aux pirates informatiques et aux acteurs étatiques et non étatiques hostiles.

Le compromis qui ne suffit pas

Si initialement la proposition de l’exécutif communautaire incluait le scan de tous les messages et contenus multimédia échangés par les utilisateurs sur ces plateformes, le compromis trouvé en mai dernier par la présidence belge de l’UE prévoyait (entre autres) l’exclusion des fichiers audio du tamis numérique. En conséquence, seuls le contenu visuel et les liens partagés par message passeraient sous le radar de l’analyse automatisée et humaine par les autorités.

Cette modification semble avoir valu à la mesure le soutien du gouvernement français (ainsi que suédois), mais ce n’est évidemment pas suffisant. De nouvelles négociations entre Etats membres seraient désormais nécessaires, rapporte Hln, citant un diplomate européen selon lequel subsiste une volonté de « poursuivre les négociations dans une atmosphère apaisée ». Par ailleurs, le gouvernement français lui-même semble voué à changer de couleur politique d’ici quelques semaines, compte tenu de la probable victoire de l’extrême droite transalpine aux élections législatives de la fin du mois, de sorte que la discussion pourrait devenir encore plus compliquée.