650 000 km en train : il vit, mange et dort sur les rails, et raconte sa liberté absolue

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Et si la liberté absolue se déplaçait sur des rails, rythmée par le roulement des bogies et la sonnerie d’arrivée en gare ? Lasse Stolley, jeune Allemand à la chevelure de feu, a troqué appartement et routine contre une existence inédite : vivre, manger, travailler et dormir dans les trains. 650 000 kilomètres, quinze tours du globe en un peu moins de deux ans, et toujours cette même étincelle dans le regard : il est chez lui sur les rails, et nulle part ailleurs !

Vivre sur les rails : un choix audacieux (et minimaliste !)

Dès qu’on le croise, on pourrait imaginer un écrivain-voyageur ou un collectionneur de tickets, mais non : c’est dans un café de la gare de Francfort que Lasse raconte à l’AFP le bonheur simple, mais radical, de pouvoir chaque jour choisir sa nouvelle destination. Sa vie entière – pas plus – tient dans un sac à dos de 30 litres, prouesse du minimalisme moderne !

Le précieux sésame ? Une carte de réduction 100% première classe Deutsche Bahn, tout de même achetée pour 5 888 euros. Grâce à elle, Lasse accède à toutes les gares, reste hyper-connecté et profite surtout des salons feutrés réservés aux premiers de la classe ferroviaire.

Le confort, version Lasse : efficacité (et créativité) à bord

Loin des clichés du vagabond en galère, le roi des rails sait tirer profit de chaque avantage :

  • Repas gratuits dans les salons de première classe,
  • Vêtements lavés directement dans les lavabos (et séchés sur les rails des trains de nuit, histoire d’allier l’utile à l’aventure),
  • Toilette rapide matin et soir au lavabo du salon,
  • Douche dans une piscine près de la gare (car il faut bien garder le sens de la propreté… et de la fraîcheur !).

La nuit, Lasse pose sa tête sur les fauteuils moelleux des wagons de première classe. Finies les nuits traditionnelles, le bercement du train étant devenu sa berceuse indispensable. « Le balancement du train me manque » lui échappe parfois, avec cette sincérité désarmante.

Un destin inattendu et des débuts hésitants

Rien ne semblait prédestiner Lasse à choisir cette vie nomade. Enfant, il n’a jamais été passionné de trains. Deux trajets ICE durant son jeune âge, pas plus. Alors, pourquoi une telle trajectoire ?

C’est le hasard, ce farceur inattendu, qui entre en jeu : après l’échec d’un apprentissage en programmation juste après le lycée, une page blanche s’offre à lui. C’est alors qu’un documentaire sur un homme vivant dans les trains surgit… et l’illumine. « Je peux faire pareil », se dit-il, malgré l’étonnement (et l’inquiétude) de ses parents, qui auraient sans doute préféré le voir sagement derrière un bureau.

Premier départ depuis Fockbeck, paisible village du nord de l’Allemagne, direction Hambourg, puis Munich en train de nuit. L’adaptation n’est pas immédiate : nuits difficiles, quelques retours chez papa-maman, mais il persiste et, progressivement, trouve son équilibre. Cerise sur le gâteau du périple, la rencontre de l’âme sœur (oui oui !) dans un salon première classe à la gare de Cologne. Comme quoi, l’amour aussi prend le train !

Les aléas du rail… et la soif de découverte intacte

Bien sûr, être roi des rails, ce n’est pas rouler sur des rails en or. Le réseau ferroviaire allemand est réputé pour ses retards et ses soucis, souvent dus à des années de sous-investissement. « Les retards et autres problèmes sont quotidiens », concède Lasse. Les grèves à répétition en 2023 et début 2024 n’ont pas eu raison de sa détermination : il s’est alors adapté en dormant à l’aéroport. Philosophie du voyageur averti !

Son métier, développeur indépendant pour une petite start-up, a l’avantage de ne nécessiter qu’un ordinateur et une connexion. Bureau panoramique garanti : « Regarder par la fenêtre, voir défiler le paysage et explorer chaque coin de l’Allemagne », voilà son carburant quotidien.

Et demain ? Lasse reste évasif, mais heureux : « Cela pourrait être un an, cela pourrait être cinq ». Pour l’instant, il savoure cette vie de découvertes : chaque jour, une nouvelle gare, une nouvelle histoire…

Conseil voyageur, si un jour le train vous appelle : pensez à la carte première classe, à la trousse de toilette minimaliste, et à garder l’esprit ouvert. Le confort, c’est avant tout une question d’état d’esprit… et de balancement !