2024 : salaires et emplois, l’année où l’on renonce à l’avenir
Un pays de somnambules. La photographie la plus impitoyable de 2023 a peut-être été celle de Censis, qui décrit l’Italie comme un pays de plus en plus âgé, craintif et découragé, où personne ne pense plus à demain. Alors que la confiance des Italiens atteignait un plus bas historique, le gouvernement de Giorgia Meloni a réitéré tout au long de l’année la litanie du lourd héritage reçu des gouvernements précédents. Mais cet alibi pourrait ne plus tenir. Et les points problématiques à résoudre sont nombreux : voici les plus urgents.
1 – Stellantis, le déclin de la voiture italienne
La métaphore la plus grotesque de la fin d’un monde a été la vente en novembre 2023, sur Immobiliare.it, de l’usine Maserati de Grugliasco par le groupe Stellantis.
Oui, car comme l’écrit Fabrizio Gatti, la vente de l’usine de Turin symbolise le déclin de l’industrie automobile italienne. Une réalité qui nous a permis de devenir la 5ème puissance industrielle du monde et d’offrir du travail et un avenir à des millions d’Italiens.
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En 2022 déjà, nous étions tombés à la neuvième place de la production automobile mondiale, avec près d’un million de véhicules de moins qu’en 2000. Et la comparaison, trois ans après la fusion entre FCA et Peugeot, n’est pas encourageante. Entre 2024 et 2026, 13 nouveaux modèles de véhicules seront fabriqués en Italie contre 24 destinés aux usines françaises. De plus, même le nouveau panda électrique ne sera pas fabriqué ici, mais en Serbie. Le tout dans le silence assourdissant d’une grande partie du monde syndical et politique.
2 – On perd le jeu électrique
Si l’industrie automobile italienne est en difficulté, les industries connexes ne se portent pas non plus très bien. En témoigne par exemple la crise de Magneti Marelli, mais plus encore les retards dans la transition vers l’électrique.
Les voitures du « futur » auront besoin de batteries efficaces. Et pour les construire, il faut de grandes installations industrielles, appelées « gigafactories », vers lesquelles les investissements publics et privés peuvent converger. En France, l’État étant membre du groupe Stellantis (contrairement à l’Italie), un a déjà été inauguré, pleinement opérationnel depuis mai dernier. En Italie, pour le moment, seule l’usine de Caserta est active, mais avec un projet pilote et avec une quantité de gigaoctets pouvant être livrés (d’ici 2026) nettement inférieure à celle de l’usine française. L’autre grande giga-usine devrait être construite à Termoli et ne démarrer ses opérations qu’en 2026.
D’ici 2027, notre production de batteries ne sera pas comparable à celle de nos partenaires européens, comme la France et l’Allemagne, ni à celle de pays considérés comme « émergents » il y a encore quelques années, comme la Pologne et la Hongrie.
3 – Retards sur les énergies vertes et les collectivités
Les communautés d’énergies renouvelables sont des communautés de personnes qui vivent sur le même territoire et qui décident de partager des énergies renouvelables et propres. Pour concrétiser ce qui n’était jusqu’alors qu’une expérience, il fallait un décret qui, comme nous l’avons déjà expliqué, a pris des années et qui devrait être imminent aujourd’hui. Mais le retard nous met face à un paradoxe : nous avons été parmi les premiers à les expérimenter, maintenant nous sommes véritablement à la traîne.
Après tout, c’est une parabole que nous vivons également dans la production d’énergie renouvelable tout court : les installations de nouvelles centrales ont atteint leur apogée en 2011, puis ont diminué drastiquement au fil des années.
Pour comprendre ce qui ne va pas, il suffit d’un paradoxe : il a fallu quelques mois pour construire l’usine de regazéification de Piombino, alors qu’il a fallu 14 ans pour achever le parc éolien nearshore de Tarente. Et la moyenne italienne est de six ans pour l’installation d’un parc éolien et de cinq ans pour un parc photovoltaïque.
4 – Une République de travailleurs précaires et de bas salaires
Les salaires italiens sont arrêtés depuis 1991, un cas unique en Occident. Une dynamique qui est influencée par de nombreux facteurs, notamment un modèle économique basé davantage sur la baisse du coût du travail que sur l’augmentation de la productivité.
Le gouvernement a tenté d’augmenter les salaires des Italiens avec des mesures telles que la réduction du coin fiscal ou la « réforme » de l’Irpef, mais il s’est abstenu de résoudre des problèmes structurels tels que l’introduction d’un salaire minimum horaire. Et ce n’est pas tout : il a choisi de supprimer le revenu de citoyenneté et de réduire d’un million d’euros la lutte contre la pauvreté au moment même où l’Istat certifiait son explosion.
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Pourtant, la question de la réforme des Pôles d’emploi et de la reconversion professionnelle n’est pas du tout abordée, même à la veille de la révolution de l’intelligence artificielle, qui risque de créer, au moins à court terme, de nombreux chômeurs.
Pendant ce temps, l’État est soutenu par des centaines de milliers d’intérimaires dans tous les secteurs de l’administration publique : s’ils se mettaient en grève demain en masse, le pays se retrouverait instantanément dans une impasse.
5 – Famille et immigration : rêves et réalité
Le gouvernement qui avait promis le « zéro débarquement » n’était pas du tout préparé à l’explosion de l’immigration enregistrée en 2023, et de nombreux maires se sont retrouvés seuls face à une crise historique. Mais les choses risquent de ne pas s’améliorer même en 2024. Tout d’abord parce qu’il est peu probable que le flux migratoire s’arrête. Deuxièmement, parce que les grands « amis » européens du gouvernement ne sont certainement pas favorables à leur redistribution.
En outre, l’accent a été mis sur les grands centres d’accueil et le réseau d’accueil réparti dans toute la zone a été démobilisé. Les services essentiels à l’intégration des nouveaux arrivants, indispensables pour éviter de transformer la vague record en problème social, ont subi d’énormes réductions. Seule la logique de l’urgence prévaut.
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Les choses ne vont pas mieux, même pour l’un des chevaux de bataille du gouvernement : la famille. En Italie, un enfant sur quatre est menacé de pauvreté, tandis que près de 20 pour cent des familles de trois enfants ou plus vivent quotidiennement dans la pauvreté. Dans ce cas également, nous sommes intervenus avec des mesures tampons, comme la prime pour les écoles maternelles.
Des ressources seraient nécessaires pour des salaires plus décents, le plein emploi pour les femmes et davantage de crèches publiques, par exemple. L’impression est cependant que même en 2024, donner naissance à un enfant sera un luxe que tout le monde ne pourra pas se permettre. Avec tout le respect que je dois à la soi-disant « famille traditionnelle » et à ses partisans.
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