À 80 ans, il menait une vie de retraite normale et tranquille à Leipzig, en Allemagne. Du moins jusqu’à aujourd’hui, lorsque Martin Naumann, un ancien officier de la police secrète est-allemande, a été condamné à 10 ans de prison pour le meurtre d’un pompier polonais à un poste frontière de Berlin en 1974.
La peine après 50 ans d’inactivité judiciaire
Naumann, un ancien agent de la Stasi, était premier lieutenant dans la police au moment de l’incident et opérait au carrefour de la Friedrichstrasse. Le 29 mars 1974, il a tiré dans le dos du Polonais Kukuczka, âgé de 38 ans, à une distance de 2 à 3 mètres, répondant à l’ordre de « neutraliser » la victime. Le juge Bernd Miczajka a regretté que les auteurs de l’ordre ne puissent plus être poursuivis et a souligné que Naumann avait commis le meurtre « sans pitié ».
Après des années de silence et de mystère autour de l’affaire, les premiers détails sont apparus en 2016. Naumann était lié au meurtre du Polonais Kukuczka grâce à la ténacité de deux historiens, un Allemand et un Polonais, qui avaient fait des recherches dans les archives de la Stasi, et à une machine qui recomposait les documents détruits par les agents de la police secrète est-allemande dans les derniers jours de la vie du régime.
Naumann, qui a toujours nié les accusations portées contre lui, a été l’un des premiers anciens responsables de l’Allemagne communiste à être accusé de meurtre plutôt que d’homicide involontaire. Les procureurs avaient requis contre lui une peine de 12 ans de prison, soulignant le caractère « particulièrement perfide » du meurtre, puisque Kukuczka a été abattu alors qu’il croyait avoir retrouvé la liberté. Les avocats de Naumann avaient demandé l’acquittement faute de preuves suffisantes.
Pourquoi Naumann a tué le Polonais de 38 ans
Le 29 mars 1974, Kukuczka, père de trois enfants, fait irruption dans l’ambassade de Pologne à Berlin-Est et menace de faire exploser une (fausse) bombe afin d’obtenir un visa pour traverser la frontière. La Stasi, alertée par les autorités polonaises, est immédiatement arrivée au siège diplomatique polonais : ici, ils ont trompé Kukuczka en lui faisant croire qu’il avait obtenu un visa pour quitter l’Allemagne communiste. Les agents l’ont accompagné jusqu’au poste frontière voisin de la Friedrichstrasse. Après avoir franchi deux postes de contrôle sans incident, Kukuczka était convaincu qu’il allait devenir un homme libre. Mais sa vie a été écourtée par Naumann, qui a tiré un coup de feu, un acte pour lequel il a ensuite été décoré. La vérité sur la mort du Polonais de 38 ans n’a jamais été révélée à sa famille.
Au total, au moins 140 personnes ont été tuées alors qu’elles tentaient de franchir le mur de Berlin entre 1961 et 1989, et des centaines d’autres sont mortes en tentant de fuir l’Allemagne de l’Est par d’autres moyens. Au cours des années 1990, 251 personnes au total ont été accusées de crimes commis au nom de la Stasi. Cependant, seulement deux tiers des affaires pénales se sont soldées par un acquittement ou par l’absence de verdict et seuls 87 accusés ont été reconnus coupables, la plupart à des peines légères.