Le coup bas de Macron à gauche : que se passe-t-il actuellement en France

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Le premier coup bas d’Emmanuel Macron à la gauche française a été porté. La bague est celle de l’Assemblée Nationale, le lot à gagner était l’élection du président de l’Assemblée Nationale. Malgré l’échec électoral (environ 20 %, mais uniquement grâce au système de « recul » républicain), le président français a obtenu la réélection de Yaël Braun-Pivet, grâce aux voix de la droite (ex-Les Républicains). Le Nouveau Front Populaire a mal reçu et dénonce la participation au vote des ministres démissionnaires, ce qui n’est pas exactement un geste de bon ton institutionnel.

Comme il le souligne Le Monde « Depuis le 7 juillet, le camp présidentiel se comporte comme s’il n’avait pas perdu les élections » et la reconduction de Braun-Pivet en est une confirmation. Cependant, tout cela a été possible grâce à la rigidité du Nouveau Front Populaire, empêtré dans mille conflits entre chefs de parti et acteurs de soutien plutôt que dans la recherche d’un accord pour conquérir la quatrième fonction politique la plus puissante de France. La logique du compromis a prévalu sur celle du bras de fer.

La reconfirmation du député de Macron

Le député macroniste Braun-Pivet, déjà président de l’Assemblée lors de la dernière législature, ne l’a emporté qu’au troisième tour. L’écart de 13 voix avec le candidat du Nouveau Front populaire, le communiste André Chassaigne, a été fatal à la gauche. Troisième place, mais bien plus loin pour Sébastien Chenu, du Rassemblement national. La gauche crie au scandale, parle de « tricherie » et menace de recourir aux « recours légaux ».

Les Républicains freinent le changement radical après avoir chassé le leader qui voulait s’allier à Le Pen

L’avertissement le plus sévère vient d’Eric Ciotti, l’ancien républicain qui, après les élections européennes, avait tenté un accord avec l’extrême droite mais avait été évincé par ses propres collègues de parti. Désormais à la tête des 16 sièges de la formation « A Droite », il a qualifié l’alliance entre son ancien parti et Renaissance de « vol démocratique ». Si l’élection est irréprochable en termes de règles, le spectacle offert était tout sauf édifiant pour la Ve République.

Répétition générale pour le Premier ministre

Pour Macron, il s’agissait d’une répétition générale avant de lâcher l’as d’un Premier ministre qui est encore une expression de son parti ou en tout cas proche de lui. Le terrain est préparé depuis le 7 juillet, lorsqu’il a nié qu’il y ait eu une victoire imputable à l’une des forces politiques en présence. La gauche, entre les « rebelles » de la France Insoumise, socialistes, écologistes et communistes, s’est brisée dans une bataille de vetos croisés, à tel point que la leader des Verts Marine Tondelier l’a qualifiée de « honteuse ».

Le centre en a profité pour nouer et broder ses relations avec les républicains. Les chiffres sont faibles, mais suffisants pour empêcher la gauche de gouverner. Il ne peut cependant être question de vol si le Nouveau Front populaire n’a pas su s’unir comme le lui demandaient ses électeurs. La France Insoumise s’est mise sur un piédestal et ne veut pas décevoir l’aile radicale. Les socialistes, malgré moins de sièges, n’entendent pas abdiquer l’équipe de Jean-Luc Mélenchon.

Un parlement fragmenté

L’élection de Braun-Pivot permet de partager certains des principaux rôles institutionnels entre les Républicains et la Renaissance. Pour éliminer la gauche, Macron a besoin d’un nom crédible, tant pour le centre que pour la droite, différent de celui de Gabriel Attal, résigné. La manière dont se dérouleront les votes et les risques liés à une très faible majorité ne semblent pas être une priorité pour le camp macroniste. Le Parlement transalpin n’a jamais été aussi fragmenté : il compte onze groupes politiques. Un enregistrement. Huit d’entre eux se sont déclarés « opposés » au gouvernement sortant actuel.

Outre le Nouveau Front populaire, qui rassemble 193 députés, il y a la droite républicaine (41 députés et six partis apparentés), dirigée par Laurent Wauquiez, qui s’est déclarée dans l’opposition pour prétendre à la présidence de la commission des finances, malgré les négociations sont en cours avec le parti du président. Le Rassemblement National de Marine Le Pen est le parti unique (hors coalition) le plus puissant, réunissant 123 membres et trois partis apparentés. Il y a ensuite les 21 membres du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT), présidé par Stéphane Lenormand.

Un risque dangereux

Les 166 autres députés de différents partis se sont au contraire déclarés favorables au gouvernement. La nomination du Premier ministre, que l’Elysée pourrait même reporter à octobre, sera le résultat d’un risque où, au lieu de chars, ce qui compteront, ce sont les places qui peuvent être offertes aux nombreux groupes politiques, ou à des députés individuels, prêts à déplacer l’axe des contre vers les pro-Macron. Cependant, pendant ce temps, la crédibilité républicaine se dissout. Une grande partie de la population se sent déjà flouée. Même s’ils ne lui ont pas garanti la majorité absolue, les citoyens ont quand même donné un avantage à la gauche pour changer de cap vis-à-vis de l’action du locataire de l’Elysée. Mais les drapeaux rouge-vert ne se sont agités de manière compacte que dans la nuit du 7 juillet, après quoi chacun a suivi son propre vent. Et cela pourrait lui être fatal.