Ce que signifient les résultats du vote en France pour l’Europe

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Les résultats inattendus des élections législatives en France dressent un tableau très fragmenté et incertain de la République transalpine. Les marchés n’aiment pas l’insécurité, mais divers dirigeants, tant en Europe qu’à l’extérieur du vieux continent, ont poussé un soupir de soulagement face à la défaite de Marine Le Pen. Mais son Rassemblement national a obtenu un résultat historique sans toutefois obtenir cette première place, à la majorité absolue attachée, qui lui aurait ouvert les portes de l’hôtel Matignon et du gouvernement transalpin. Le Nouveau Front populaire, premier résultat, s’apprête à proposer un Premier ministre capable de rassembler un consensus même en dehors de la coalition de gauche, en essayant de surmonter les difficultés de dialogue déjà présentes au sein de sa majorité.

Les répercussions de ces résultats sur le vieux continent sont multiples. Certaines ont été immédiates, comme celle du Rassemblement national qui a rejoint le groupe d’extrême droite des Patriotes de Viktor Orban au Parlement européen. D’autres se verront au fil du temps et l’ampleur du changement ne sera claire que lorsque les principaux problèmes seront résolus et que le nouveau Premier ministre aura obtenu le poste du président français Emmanuel Macron ainsi que le vote de confiance décisif des élus du National. Assemblée.

L’étreinte entre Le Pen et Orban

Après le second tour du 7 juillet, l’équipe gouvernementale française constitue un véritable casse-tête, l’alliance de gauche Nouveau Front populaire ayant remporté 182 des 577 sièges de l’Assemblée nationale française, mais qui devra rechercher un compromis avec le alliance centriste du président Macron, avec ses 168 sièges. Le Rassemblement National d’extrême droite, qui n’en a obtenu « que » 143 voix, restera certainement dans l’opposition. La coexistence entre le centre et la gauche au pouvoir n’est pas acquise et n’est pas assurée jusqu’en 2027, année des élections présidentielles. La première réflexion européenne concerne l’adhésion de Marine Le Pen au nouveau groupe au Parlement européen fondé par le président hongrois Viktor Orban. Le 8 juillet au matin, lors d’une réunion à Bruxelles, le groupe souverainiste Identité et Démocratie, qui comprenait à la fois le Rassemblement national et la Ligue de Matteo Salvini, s’est dissous et a décidé de rejoindre les Patriotes.

Le « mariage » entre Orban et Le Pen met la pression sur Meloni en Europe

L’objectif est de former un nouveau bloc d’extrême droite renforcé, qui s’opposera à la deuxième législature d’Ursula von der Leyen, qui attend le vote de confiance de la Chambre européenne à Strasbourg le 18 juillet. Le résultat électoral décevant a dissous les dernières hésitations de Marine Le Pen, qui selon les experts, en cas de victoire, aurait pu choisir d’éviter d’embrasser Orban, détesté par une grande partie des dirigeants de l’Union européenne en raison de ses positions proches. à Vladimir Poutine. Le mariage entre les souverainistes de Le Pen et les Hongrois du Fidesz, les Tchèques d’Ano, les Autrichiens du FPÖ et les Espagnols de Vox, outre la Ligue du Nord, ne signifie qu’une chose : un plus grand isolement de Giorgia Meloni.

Le rôle de Macron, affaibli mais pas vaincu

Contrairement à ce que l’on soupçonnait la veille, Macron était moins affaibli que prévu. Son rôle international pro-européen et pro-Kiev pourrait rester intact comme le prédit le groupe de réflexion français Iris. La solution d’un gouvernement de compromis pourrait être mal accueillie par une partie de l’électorat de gauche, mais selon les analystes, c’est la seule qui pourrait dissiper les incertitudes et restaurer l’image d’une France forte, capable encore de jouer un rôle de premier plan parmi les membres. États du bloc européen.

Jusqu’à présent, Macron a eu un dialogue fructueux avec le chancelier social-démocrate Olaf Scholz, qui est également aux prises avec une coalition complexe rouge-vert-bleu, aux côtés des socialistes et des libéraux. Le maintien de l’axe franco-allemand pourrait faire office de garantie pour certaines composantes de gauche plus modérées, comme les socialistes de Place publique dirigés par Raphaël Gluckmann, alors que la gauche radicale transalpine de la France Insoumise ne voit pas d’un bon oeil cette alliance, très déséquilibré dans son soutien à Kiev et qui n’exclut pas un engagement militaire européen direct en Ukraine.

Le soupir de soulagement de Kiev. Ou non?

L’unité du Nouveau Front populaire passe précisément par la question du soutien à l’Ukraine. Kiev, quant à lui, poussait un soupir de soulagement, craignant avant tout l’imposition du Rassemblement national à Paris. La principale crainte reste celle de voir diminuer les subventions à l’Ukraine et le soutien militaire garanti jusqu’ici par la majorité centriste de Macron. Cette échappée belle a également été soulignée par le Premier ministre polonais Donald Tusk avec un post ironique sur X : « Enthousiasme à Paris, déception à Moscou, soulagement à Kiev. De quoi être heureux à Varsovie ». Pour être honnête, le parti de Le Pen s’est distancié de Vladimir Poutine après l’invasion de l’Ukraine en 2022, arguant d’un point de vue électoral qu’en cas de victoire, il continuerait à fournir une aide à la défense mais n’enverrait pas de missiles à longue portée ou d’autres armes capables de frapper le territoire russe depuis l’Ukraine.

Il a gagné les élections mais ne gouvernera pas : qui est Jean-Luc Mélenchon, le leader de gauche

En revanche, Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, a été accusé de relations trop étroites avec la Russie. En février, il a affirmé que « le moment était venu de négocier la paix en Ukraine avec des clauses de sécurité mutuelle », s’opposant immédiatement à l’envoi d’armements de grande envergure à Kiev. Glucksmann, en revanche, venant d’être élu député européen, se positionne plus clairement aux côtés du gouvernement de Volodomyr Zelensky. Sa personnalité serait certainement plus appréciée des partisans de l’Ukraine, comme Kaja Kallas, la nouvelle haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères en pectore.

Qu’arrive-t-il à l’énergie et à la lutte contre la sécheresse

Le nouveau gouvernement transalpin devra également comprendre comment se positionner par rapport au Green Deal, pierre angulaire des politiques environnementales au niveau européen. L’extrême droite s’est fermement opposée aux réformes de la transition écologique, sa défaite rassure donc les esprits des partisans du Pacte environnemental. Au cours des dernières années au pouvoir, Macron a poussé à inclure et à renforcer l’énergie nucléaire dans les mesures du Pacte, considérée comme une alternative plus sûre et plus pratique pour la France par rapport aux énergies renouvelables. L’alliance de gauche pourrait plutôt se concentrer davantage sur l’énergie éolienne offshore et l’énergie hydroélectrique. Mais en même temps, il ne peut pas risquer d’alourdir les factures des électeurs.

Trouver une alternative européenne pour compenser la perte d’approvisionnement en gaz russe sera une priorité pour un Premier ministre qui veut être crédible aux yeux des 26 autres dirigeants de l’UE. Le Nouveau Front populaire cherchera également une alternative aux méga bassins d’eau, installations très coûteuses voulues par Macron, pour garantir un meilleur équilibre entre les besoins des territoires et le besoin de production agricole dans la lutte contre le changement climatique. C’est une question qui a suscité ces derniers mois de violentes protestations dans diverses régions de France et qui influence fortement à la fois l’avenir de l’agriculture à travers les Alpes et les modèles que l’Europe, en particulier celle du sud, pourrait adopter dans la lutte contre la sécheresse.