« Simbad », de Fabrizio Paladini et Marco Steiner

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Le deuxième volume de la série éditoriale que Cong consacre aux œuvres réalisées par Hugo Pratt dans les années 1960 pour le Corriere dei Piccoli est paru récemment ; l’année dernière, Ulysse a été publié, il est maintenant temps Simbadles images sont à nouveau de Pratt et les textes sont de Fabrizio Paladini et Marco Steiner, déjà auteurs du premier volume de la série.

Le lecteur plus âgé se souviendra d’un vieux film avec Douglas Fairbanks, dans ce cas la formule de nom utilisée est Sinbad le marin, tant le nom que l’étymologie sont encore incertains. Ce qui est sûr, c’est la présence de cette légende au sein de la collection orientale du Xe siècle environ intitulée Les mille et une nuitsoù mille signifie d’innombrables nuits.

Les auteurs, Paladini/Steiner, soulignent la nouveauté de leur histoire, par rapport à l’original des années 1960, qui inclut la voix de Shahrazad ; la jeune fille décide de raconter une histoire chaque soir au roi perse Shahriyar, qui, après la trahison de sa femme, a décidé de se venger en tuant toutes les épouses suivantes à la fin de la première nuit ; Les récits de Shahrazad ont pour résultat de toujours tergiverser l’exécution.

Tout y est fantastique, des images de Pratt aux couleurs de Patrizia Zanotti, en passant par les textes des auteurs, c’est un livre de conte de fées et fabuleux, non seulement pour la tradition à laquelle il appartient, mais pour ce qu’il suscite chez le lecteur.

On ne lit plus comme quand on est adolescents, entre 12 et 20 ans, période où un lecteur découvre tous les auteurs qui vont ensuite l’accompagner, je ne fais plus de découvertes mais n’ai que des confirmations, j’approfondis plutôt mes connaissances un texte ou un auteur.

Le Simbad de Paladini/Steiner/Pratt a le mérite de ramener le lecteur à la découverte virginale d’un livre, c’est le pur plaisir de lire, de toucher et d’observer les images.

Et puis cette histoire de Shahrazad, cette fille qui raconte et raconte la nuit ; plongée dans cette lecture, je me suis souvenue que l’Italie avait son Shahrazad, qui la vivait réellement, en chair et en os, lui a-t-elle dit Giuseppe Pitrè A la fin du XIXe siècle.

Pitrè était médecin, écrivain et spécialiste du folklore sicilien. Au lieu de faire payer ses visites à ses patients, il leur demandait de raconter une histoire. Il en rassembla plus de trois cents. Une quarantaine de contes de fées rassemblés par Italo Calvino proviennent de la collection de Giuseppe Pitrè, Le puits des merveilles (contes de fées, nouvelles et contes populaires siciliens) de 1875, avec ses trois cents contes de fées, c’est la plus grande collection de folklore européen (même supérieure à la collection Grimm).

C’est dans ce recueil que l’on retrouve la Shahrazad italienne, Agatuzza Messia, une roturière de Palerme analphabète mais très douée pour raconter des histoires.

Parcourant les rues de Palerme avec la calèche de son médecin, Pitrè ne manqua pas l’occasion de se faire raconter des contes de fées par les habitants du quartier. À la fin de l’histoire, il écrivit dans son cahier l’histoire qu’il venait d’entendre. Parmi ces conteurs, il y avait aussi une de ses vieilles nourrices, Agatuzza Messie, une femme désormais âgée dotée d’un incroyable talent pour la narration orale. C’est vers elle que Pitrè se tourne souvent pour avoir de nouvelles versions et des contes de fées à inclure dans son œuvre :

«Je dis conteur et je devrais dire conteur, car les personnes dont j’ai recherché et reçu de nombreuses traditions étaient presque toutes des femmes. La plus talentueuse d’entre elles est Agatuzza Messia, de Palerme, que je considère comme une romancière modèle (…) plus on l’entendait, plus on avait envie de l’entendre (…) le Messie ne sait pas lire, mais le Messie il sait beaucoup de choses que personne d’autre ne sait, et il les répète avec une qualité de langage qui fait plaisir à entendre » (G. Pitrè, Le puits des merveilles).

Une grande partie de la collection de matériel de Pitrè vient de Palerme et en particulier du quartier de Borgo, ici il connaît très bien les gens et savait à qui s’adresser, les différentes Agatuzza, Rosa, Elisabetta (notez que ces narrateurs sont tous des femmes).

Ces Shahrazad palermitains nous ramènent au conte de Simbad, si l’Histoire et le Droit sont l’apanage de l’homme (mâle) et se pratiquent le jour sur les places ou dans les institutions, le conte fantastique, le conte de fée, appartient à la femme. , est nocturne et se déroule autour d’un foyer, liant ainsi l’histoire à la séduction, cela nous a au moins donné une tradition millénaire à laquelle elle appartient Les mille et une nuitsy compris les voyages Simbad.

Ici aussi Shahrazad de Paladini/Steiner, comme d’Agatuzza, «plus on l’entendait, plus on avait envie de l’entendre», et Simbad C’est un livre fantastique et fabuleux.

SIMBAD
Fabrizio Paladini et Marco Steiner
Cong – Propriétés d’art Hugo Pratt
ISBN : 9788894779622
Pages 112 – 18,00 €