Elle semblait destinée à rester en marge de la politique française jusqu’en 2027, mais Marine Le Pen a plutôt repris silencieusement le sceptre de la France à sa manière. Cela s’est compris lorsque la grande énigme de l’été français a été résolue le 5 septembre. A la tête du gouvernement transalpin se trouve un homme de longue date et qui jouit de la confiance de l’Europe : Michel Barnier. Ce nom a quelque peu surpris le président Emmanuel Macron, après que les hypothèses de Bernard Cazeneuve (ancien socialiste) et Xavier Betrand (à droite) aient été rejetées. Entre les rues de Paris et les couloirs de l’Assemblée nationale, nombreux sont ceux qui pensent que l’occupant de l’Elysée a bel et bien été détrôné et que le premier ministre devra à ce stade répondre davantage aux ultimatums de l’ultra-droite qu’aux centristes du parti présidentiel Renaissance.
Le chef du Rassemblement national (RN), qui a donné son accord tacite à Barnier, a réussi à devenir le rapport de force politique à travers les Alpes. De triomphe aux élections européennes de juin à grande défaite aux élections nationales de juillet (seulement troisième place pour sa coalition, mais avec le premier parti en termes d’élus), Le Pen revient ainsi sur le devant de la scène et ôte au Il a laissé son influence sur le deuxième office le plus important de France.
Qui est le Premier ministre Michel Barnier
Michel Barnier, après une longue et solide carrière politique dans son pays, est devenu un protagoniste au niveau européen avec sa nomination au poste de négociateur en chef du Brexit. Le représentant du Parti populaire européen dispose de nombreux contacts à Bruxelles, notamment dans les DG importantes sur le plan économique. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a immédiatement applaudi sa nomination et s’attend à une bonne coopération. Malgré quelques débordements eurosceptiques ces derniers temps, notamment sur le thème de la migration et du rôle de la Cour de justice de l’UE, Barnier jouit d’une plus grande popularité à Bruxelles qu’à Paris. La passe du Rassemblement national serait arrivée grâce à sa capacité de dialogue. Petit inconvénient : cela signifie que le succès de son gouvernement dépendra dans une large mesure du parti d’extrême droite présidé par Jordan Bardella.
L’influence de Le Pen sur la nomination de Barnier
L’influence de Le Pen se serait fait sentir lors de la dernière semaine de négociations avec l’Elysée. Après le rejet total de l’ancien socialiste Cazeneuve, gêné par ses propres anciens collègues du parti, le RN a également mis hors course Xavier Bertrand. Le leader des Républicains, qui semblait disposer d’un net avantage une fois que Macron avait opté pour un Premier ministre de droite, aurait été licencié car dans le passé il avait ouvertement croisé la route du clan lépéniste. Suite à ce refus immédiat, le nom de Barnier apparaît soudain. Un « fossile », selon les dirigeants des partis d’extrême droite, mais au moins capable de « respecter les différentes forces politiques et de parler avec le Rassemblement National », selon Le Pen.
L’équilibriste de Marine Le Pen et Jordan Bardella
Barnier devra faire preuve de capacité de compromis et savoir gérer l’amalgame déroutant entre l’extrême droite, la droite et les centristes de Macron. Ces derniers, qui avaient travaillé dur lors de l’appel aux urnes pour éviter l’arrivée au pouvoir de Le Pen, seraient assez inquiets de ce virage net de leur leader qui finit par favoriser le Rassemblement national lui-même. Le principal enjeu en France est le budget, qui devrait être approuvé d’ici le 1er octobre. Mais avant cela, Barnier a besoin de voix à l’Assemblée nationale. Jordan Bardella a déclaré qu’avant le vote, il « jugerait son discours de politique générale sur les documents ». Pas un vrai « oui », mais pas non plus un « non » catégorique.
Selon certains analystes, la stratégie du leader de Neuilly-sur-Seine pourrait être de laisser le gouvernement se débrouiller sans jamais le soutenir ouvertement, sauf à lancer une attaque sévère contre Macron en vue des élections présidentielles de 2027. Reste cependant bouche bée, la coalition qui a réuni la gauche radicale, les communistes, les socialistes et les écologistes. Macron leur a refusé toute possibilité de gouverner, alors qu’il s’agissait de la coalition comptant le plus grand nombre de députés après le 7 juillet. Ils constitueront la principale force d’opposition à Barnier. Après un tel revers de la part du président qui l’a nommé, on ne lui donnera pas une vie facile.