A 50 jours des élections, la France n’a toujours pas de Premier ministre, Macron tente avec Cazeneuve

Alexis Tremblay
Alexis Tremblay

Alors que la France accueille 12 millions d’élèves dans les salles de classe pour la rentrée, le président Emmanuel Macron reprend les consultations pour la nomination du Premier ministre. Près de deux mois se sont écoulés depuis les résultats des élections législatives du 7 juillet dernier, mais l’Elysée a préféré attendre et contourner les Jeux olympiques avant de prendre une décision qui sera de toute façon controversée. Lundi 2 septembre, l’agenda de Macron est très chargé : dès le matin, c’était la rencontre avec Bernard Cazeneuve, le nom à surveiller pour un rendez-vous. Arriveront ensuite les anciens chefs d’État François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Les consultations, qui se sont intensifiées après les vacances d’été, visent à identifier un chef de gouvernement qui, selon Macron, puisse trouver les faveurs d’un grand nombre de députés, dans une Assemblée nationale qui n’a jamais été aussi fragmentée. Mais le véritable objectif du président semble être d’éviter à tout prix un gouvernement dirigé par la gauche radicale. Pendant ce temps, l’Elysée continue d’œuvrer assidûment en Europe. Le 30 août, Macron était en Serbie pour une réunion sur l’intelligence artificielle. Au cours de cette visite, le président serbe Aleksandar Vucic a annoncé un accord de 3 milliards de dollars pour l’achat de 12 avions de combat français, dans le cadre d’une action visant à sortir ce pays des Balkans de sa dépendance à l’égard des armes russes.

Le rejet par Macron de Lucie Castets

Macron a jusqu’à présent refusé d’accorder la possibilité de gouverner au Nouveau Front populaire, la coalition qui compte le plus grand nombre d’élus sans toutefois pouvoir compter sur une majorité absolue. Le locataire de l’Elysée a néanmoins exclu la candidature de Lucie Castets, une haut responsable proposée par les formations du Nouveau Front populaire (La France Insoumise, socialistes et écologistes). Macron a justifié ce choix en évoquant le risque d’un rejet immédiat par l’Assemblée nationale. Le président français a déclaré qu’il mettait « tous les efforts » pour « trouver la meilleure solution pour le pays ». Sa stratégie risque cependant d’exaspérer encore davantage les sentiments après une bataille électorale intense et très polarisée, qui a vu de nombreux partis s’unir au second tour pour éviter la victoire du Rassemblement national, le parti d’extrême droite dirigé par Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Qui est Bernard Cazeneuve ?

Le nom le plus en vogue pour obtenir le poste de Premier ministre est celui de Bernard Cazeneuve. L’homme politique de 61 ans possède déjà une expérience gouvernementale de haut niveau, ayant été ministre de l’Intérieur au moment des attentats jihadistes du Bataclan en 2015, puis assumant le rôle de Premier ministre dans les derniers mois du quinquennat dirigé. par François Hollande, président socialiste entre 2012 et 2017. L’appartenance politique actuelle de Cazeneuve reste ambiguë, étant donné qu’il a quitté le Parti socialiste en 2022, en raison de son opposition à l’alliance avec La France Insoumise, le parti de gauche radicale, au sein de la Nouvelle Ecologie. et Union Sociale Populaire (Nupes). Cazeneuve est arrivé à l’Elysée le 2 septembre à 8h45 et est le favori sur la short-list de Macron.

Macron contre tout le monde : c’est ainsi que la France tombe dans la paralysie politique

« Bernard Cazeneuve ne se présente pas, mais s’il le fait, c’est par devoir et pour éviter de nouvelles difficultés au pays », a expliqué son entourage avant la réunion. Le président compte sur l’ancien socialiste pour créer un gouvernement dans lequel le bloc centriste et libéral de son parti jouera un rôle de premier plan, même s’il n’est pas arrivé premier dans les sondages. Le nom de Cazeneuve pourrait lui garantir à la fois un consensus tacite de la droite et de l’extrême droite, et une fracture au sein du bloc de gauche. Malgré son militantisme de longue date dans les rangs des socialistes, Cazeneuve risque de semer la discorde pour ses anciens collègues du parti. L’actuel secrétaire du PS, Olivier Faure, s’est déjà dit contre, étant donné que Cazeneuve « n’a pas obtenu ni même sollicité le soutien du Front populaire ».

Qui est Xavier Bertrand, l’homme de droite que Sarkozy affectionne

Macron s’est appuyé sur les conseils, au moins sur le papier, de deux anciens présidents. François Hollande pourrait tenter de dissuader Macron d’insister sur la nomination de Cazeneuve, tandis que Nicolas Sarkozy, ancien président de droite pourrait insister sur un autre nom : celui de Xavier Bertrand. L’homme politique de 59 ans, actuel président du parti de droite Les Républicains et d’une région du nord de la France, serait intéressé par cette nomination, mais le reste de son parti ne semble pas disposé à former une alliance avec les centristes. Leur objectif serait d’arriver à l’élection présidentielle de 2027 en tant qu’opposants à Macron, et non en tant qu’alliés au sein d’une coalition bricolée. Une lueur d’espoir en faveur de Macron vient plutôt de l’extrême droite, qui pourrait éviter de voter contre le Premier ministre après sa nomination. Le Rassemblement national se dit cependant convaincu de voter dans l’opposition lorsque viendra le temps de se prononcer sur le budget, dont la proposition pour 2025 doit être présentée d’ici le 1er octobre. Le sablier approche inexorablement et le temps dont dispose Macron pour rassembler de nouveaux amis et de vieux ennemis pour un nouveau gouvernement s’épuise de plus en plus.